La dernière chose dont le monde a besoin est une marque de vêtements, enfin… Tout dépend de vos engagements. Au vu du nombre de marques déjà présentes sur le marché et une concurrence qui se fait rude, se distinguer n’est pas une mince affaire. Dans cet article, on fait l’état des lieux d’une industrie de la mode en mutation plus que jamais, et on vous livre les 10 commandements pour faire de la mode durable d’aujourd’hui, la mode de demain tout court.
Nous le savons tous, le nombre de marques de vêtements est incommensurable. D’après L’ADEME, 624 000 tonnes de textiles d’habillement, linge de maison et chaussures (TLC) comprises qui sont mises sur le seul marché français, en moyenne chaque année. On atteindrait les 150 milliards de TLC par an, à l’échelle mondiale…
Ce n’est un secret pour personne (surtout si vous nous lisez) : fabrication, teintures, dépendance aux matières pétrochimiques, culture intensive du coton, décharges de vêtements, …la mode pollue. Bien que les consciences évoluent et qu’elle ne soit pas 2e au podium, la quantité de vêtements produits en est le facteur principal.
Peut-être souhaitez-vous changer les règles du jeu pas très « fair-play » de cette industrie, en créant votre propre marque ? Voici les les enjeux principaux et piliers d’une industrie de la mode plus vertueuse.
Le problème de la teinture de nos vêtements
Entre 2000 et 2014, la production mondiale de vêtements a doublée. L’industrie de la mode représenterait à elle seule jusqu’à 8% des émissions de gaz à effet de serre. Mais la mode ne pollue pas uniquement l’air. Elle impacte également les cours d’eau et les océans. Outre nos lessives, le rejet des microparticules de plastique directement dans les habitats aquatiques, la teinture des textiles a transformé des pays comme la Chine ou encore l’Inde, devenus teinturiers du monde. Une production de masse installée, contrairement à l’Union Européenne et à la norme REACH, sans réelle régulation environnementale.
On estime en moyenne que la teinture 1kg de textile requiert de 80 à 100L d’eau. À l’issu du rinçage, les composants chimiques hautement toxiques, tels que le plomb ou encore le mercure peuvent se retrouver rejetés directement dans les cours d’eau. La teinture serait ainsi responsable de 17 à 20° % de la pollution mondiale de l’eau.
Il est donc primordial de réfléchir à sa production : idéalement des vêtements no-dye (non teints) ou des teintures naturelles, ou des teintures chimiques certifiées à minima Œko-Tex Standard 100. Deux exemples de marques qui pratiquent la teinture végétale : Bombo, ou encore STNK.
Une mondialisation qui se mord la queue
Ce n’est pas un secret, si la mode est devenue une des industries le plus polluantes c’est bien parce qu’elle a fait le choix d’aller produire loin, dans des pays aux mix énergétiques très carbonés. Mais le bas prix des uns se paie cher à l’autre bout du monde. Aujourd’hui globalisé, à l’image des 65 000 km parcourus pour la production d’un seul jean, il n’est pas étonnant de voir les transports dans la liste des vices de l’industrie textile. Mais ce constat est à nuancer : sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la fabrication d’un vêtement, les transports ne représentent que 2% de l’empreinte carbone du produit fini.
En effet, bien qu’il soit plus que regrettable que nous soyons encore dépendants des énergies fossiles, l’acheminement de nos vêtements depuis leur lieux de fabrication n’est que le haut iceberg. Bien que l’avion soit parfois d’usage, la voie maritime reste le transports le plus utilisé. Par ailleurs, au fil des années, les logisticiens ont travaillé à l’optimisation du remplissage des conteneurs, évitant notamment de les laisser partir à moitié vides. Or, si cela peut paraître étonnant, il faut évaluer le lieu de production avec un certain sens critique. A titre d’exemple, le groupe Boohoo a récemment été dénoncé pour ses ateliers clandestins, en plein cœur de la ville Leicester, aux Royaume-Uni.
Être honnête avec soi-même et ses clients
Accepter d’être imparfait et savoir le communiquer auprès de ses client·e·s est un point souvent négligé par les marques. Lancer une marque responsable n’est pas une mince affaire, s’exprimer sur ses engagement peut parfois même être dangereux, tant les consommateur·ice·s sont plus exigeant·e·s et peuvent remettre en cause la réalité des allégations, sociales ou environnementales. Ainsi, si certains points d’améliorations ne sont pas encore ancrés dans votre production, mieux vaut le communiquer directement à vos clients.
Il sera beaucoup mieux accueilli le fait que vous assumiez dès le début vos lacunes, plutôt que de tenter de les dissimuler. De plus, la France fait partie des consommateur·ice·s les plus sceptiques en regard des engagements éthiques d’une marque. Privilégiez toujours honnêteté et transparente, plutôt que de créer un sentiment de doute. Mieux vaut alors transmettre comment vous compter vous améliorer à l’avenir, avec surtout des projections sur des actions concrètes.
Une communication inclusive
Via les réseaux sociaux, les consommateur·ice·s exigent des marques une véritable prise de position dans le débats publique. Attention tout de même à la cohérence dans votre prise de parole, car il ne faudrait pas tomber dans un cas d’école de pink, rainbow ou encore greenwashing qui pourrait avoir une incidence fatale sur la réputation de votre marque. Ce n’est pas seulement par la communication que l’on traduit ses valeurs de progrès social. Les consommateur·ice·s réclament que vos valeurs se retranscrivent autant dans vos prises de parole que dans la structure même de l’entreprise et ses pratiques managériales.
Cela peut se traduire par une communication inclusive, une catégorisation des vêtements non-genrés et une diversité dans vos shootings. Mais la communication et le marketing ne suffirons pas. Les consommateur·ice·s souhaiterons retrouver ses valeurs dans l’équipe qui compose votre marque : par les recrutements, une attention particulière au bien-être de ses salariés et des formes de discriminations qu’iels pourraient subir.
Le choix des matières
Le BA-BA de la mode responsable passe par un retour des fibres naturelles. La qualité des matières est ensuite un des principaux facteurs qui distinguent la mode durable, de la mode conventionnelle. C’est par ailleurs un des principaux facteurs de motivation pour les consommateurs : bien que le coton biologique soit une alternative vertueuse, de par sa demande importante, elle est très énergivore : 7000 à 15 000 litres d’eau sont requis pour la fabrication d’un unique jean. Or les principaux pays producteurs de textiles naturels et chimiques se situent dans des pays où l’accès à l’eau potable est bien réel problème.
Pour favoriser la production locale et les matières plus durables nous vous conseillons de vous tourner vers des matières telles que le coton recyclé, le lin ou le chanvre.
Un indice de réparabilité
Les marques de mode ne doivent plus seulement mettre à disposition leurs pièces, mais plutôt se positionner comme de véritable compagnon de vie de leurs créations sur leur cycle de vie : de la fabrication à la fin de vie du produit. Il est aujourd’hui important qu’en plus des informations classiques sur les matières, le choix de la taille ou encore le lavage recommandé, les entreprises informent les consommateur·ice·s sur la nécessité de garder leurs vêtements pour longtemps.
Cela peut se traduire par des conseils sur la fréquence de lavage, l’entretien ou encore la réparation. On peut éventuellement imaginer la mise place d’un « indice de réparabilité » par produit, afin que les acheteurs puissent se faire une idée des possibilités restauration de leurs vêtements. Les fabricants doivent être en capacité de proposer des solutions concrètes pour favoriser une économie circulaire, créer un lien entre écologie et économie. L’un ne peut plus se faire sans l’autre.
Un rythme de production raisonné et à distance de la saisonnalité
Pour aller vers un modèle plus vertueux, les marques de mode doivent de quitter le schéma classique de la saisonnalité et des multiples collections. Ce n’est plus une simple option, nous devons produire moins de vêtements pour espérer rétablir une forme de balance entre les textiles jetés et ceux qui continuent d’être produits. C’est notamment ce que préconise la Charte de l’industrie de la mode pour l’action climatique, signée par plus de 130 grandes enseignes.
Une diversité de tailles, de corps, et des âges
Une mode éthique ne peut être excluante. Considéré comme une niche, la mode « plus size » autrement dit en France, des tailles au-dessus du 44 EU, est encore rares dans les magasins. Pourtant, 60% des femmes françaises se positionnent à égale ou au-delà de ces mensurations. Du côté de la mode responsable, l’absence de diversité des tailles est encore plus présente. Ce point est sûrement une des meilleures manières de se distinguer de la plupart des marques éthiques, qui sont rares à aller au-delà de la taille 40 ou L.
Privilégier le système de précommande de crowdfunding
Pour quitter le schéma classique de surproduction/écoulement de stocks, nous vous conseillons la précommande. De plus en plus de marques éthiques reposent sur ce business-model pertinent. Cela vous permettra de déterminer les attentes de vos client·e·s potentiel·e·s et de créer une communauté de fans motivé·e·s pour contribuer aux marques en lesquelles ils croient. Aussi appelé co-création, on peut alors proposer ses premières pièces accompagné d’un “prix avantage précommande”. Il ne faut pas hésiter à demander aux internautes de partager leurs remarques, suggestions et axes d’améliorations.
Ne pas hésiter à communiquer sur la manière de personnaliser vos créations
Il y a une grande différence suivre une tendance et acheter un vêtement qui nous représente en tant qu’individu. Pour une marque, il peut être intéressant de mettre en avant les manières d’accessoiriser les pièces pour y ajouter une part d’identité propre aux client·e·s. On peut par exemple penser à la customisation, le choix de bijoux ou encore mettre en avant d’autres marques responsables qui pourraient bien aller avec vos créations.
Les marques doivent autant se déconstruire que les client·e·s
La décroissance est un mot qui prend de l’ampleur. Pour qu’une marque responsable soit cohérente dans sa démarche, elle doit stoppée sa course effrénée aux tendances. La décroissance impose une contraction économique planifiée, une production réduite et des vêtements conçus pour durer et la nécessité de mettre en place de nouveaux services autour de leurs produits afin d’allonger leur durée de vie.
Abolir les tendances et ralentir le rythme
Entre les collections capsules, les drops, les collaborations et autres séries limitées, les vêtements nous lassent plus vite, jusqu’au terme de microtendance. Selon nous, impossible de démocratiser de la mode responsable, sans prendre en compte l’intemporalité et la versatilité dans ses créations. Nous ne pouvons plus vivre dans le luxe de l’abondance et il est essentiel d’aborder le sujet avec ses client·e·s.
Transparences accessibilité et éducation vis-à-vis des consommateur·ice·s
Les marques ne doivent plus simplement avancer des arguments relatifs à l’emploi de matières responsables et de fabrication, cela doit être un pré-requis. Au-delà, elles ont un rôle d’éducation des client·e·s sur l’optimisation de la durée de vie des vêtements. Comment les réparer ? Est-ce qu’il est possible de les retourner en magasin ? Comment les nettoyer de manière écologique ? C’est aux marques d’inculquer une nouvelle philosophie du « prendre soin » remplaçant celle, non soutenable, du jetable.
Références
https://www.plusdecoton.fr/blog/index/billet/13610_de-l-importance-des-teintures-dans-le-textile
https://www.bienoubien.com/guide/la-mode-une-industrie-tres-polluante
https://www.wedressfair.fr/blog/teinture-et-procedes-de-transformation
https://www.plusdecoton.fr/blog/index/billet/13610_de-l-importance-des-teintures-dans-le-textile
https://tekstila.net/fr/decroissance-mode/