Chaque mois, The Good Goods et la Fédération de la Mode Circulaire vous offrent un aperçu essentiel de l’évolution et des dernières nouvelles du secteur de la mode et du textile. Un tour d’horizon en France et au-delà, pour se tenir informés des progrès continus qui visent à transformer l’industrie de la mode vers plus de durabilité. Ce mois-ci : la loi AGEC versus la propriété intellectuelle, de belles avancées et de beaux contrats pour développer les fibres recyclées de deux acteurs stars du secteur, une initiative venue d'Angleterre, et une évaluation du poids de la seconde main en Europe.
L’édito de la FMC - Chanel vs Jonak : quand la lutte anti-parasitisme défie la circularité
Le 16 octobre, la Cour d’appel de Paris a tranché un litige opposant Chanel à Jonak. Chanel avait attaqué Jonak en 2020, reprochant à la marque de s’être inspirée de ses célèbres slingbacks beiges, invoquant un acte de parasitisme. Le parasitisme consiste à exploiter l’image d’une marque sans en copier les produits directement, contrairement à la contrefaçon qui relève du droit de la propriété intellectuelle. En 2022, le tribunal de commerce avait reconnu Jonak coupable de parasitisme, lui imposant de retirer et détruire les chaussures incriminées et de verser des dommages et intérêts à Chanel. Cette condamnation a été confirmée par la Cour d’appel, avec un dédommagement porté à 150 000 € pour préjudice économique et 30 000 € pour préjudice moral.
Au-delà des enjeux de propriété intellectuelle, cette décision soulève une problématique environnementale pressante : la destruction des produits textiles. En effet, la Cour d’appel a ordonné le retrait des modèles des circuits de distribution pour destruction, « en conformité avec la politique de responsabilité sociétale de Chanel », sous astreinte de 1 000 € par jour de retard.
Toutefois, la loi AGEC et le droit européen interdisent la destruction des produits finis invendus. Il peut être avancé que ces produits litigieux, étant intrinsèquement illégaux et non conformes, ne sauraient être qualifiés d'”invendus” au sens strict. Cette ambiguïté montre néanmoins un besoin impérieux de clarifier juridiquement la notion d’« invendus » et les règles de destruction. La question se pose également quant à l’équilibre entre lutte contre le parasitisme et réduction des déchets. Une destruction des produits litigieux devrait encourager le recyclage des éléments réutilisables, en veillant à une stricte conformité avec les engagements environnementaux affichés. L’écho de cette décision va bien au-delà de ce litige : elle révèle la nécessité d’actions concrètes, et non de simples mentions de « politique responsable », pour garantir que la lutte contre le parasitisme s’aligne enfin avec les impératifs environnementaux et la circularité !
Clara Cherblanc, chargée de mission Plaidoyer de la Fédération de la Mode Circulaire
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