“Green”, “conscious”, “low impact”, “ecofriendly” : ces termes encore vulgaires aux yeux de la mode conventionnelle il y a quelques années fleurissent désormais sur les devantures de chaque boutique et poppent sur les sites de toutes les marques. Si nos yeux sont plus incrédules qu’ils ne sont ébahis, c’est parce que peu d’entre nous sont réellement familier·e·s de ce jargon. Les marques elles-mêmes peinent à en donner une définition claire. Le problème ? C’est qu’il s’agit d’une langue étrangère parlée dans son propre pays, l’ignorance ne nous laisse pas d’autre choix que de faire confiance à l’étiquette (souvent verte) sur laquelle sera marquée “produit responsable” en lettres dorées. Mais responsable de qui ? de quoi ? et devant quelle loi ? Si la connaissance c’est le pouvoir, l’ignorance est la porte ouverte au greenwashing. Cet article ne vous propose pas de définitions prêtes-à-l’emploi : elles n’existent pas. Il est fait pour vous inviter à vous poser des questions, sans relâche, et à faire preuve de discernement dans les réponses que les marques vous apportent… Dans le but – aussi simple qu’il est ambitieux – de Bien être et bien faire à travers vos vêtements. C’est notre tagline depuis le début de The Good Goods, vous le saviez ?
Article rédigé à 4 mains par Marion Jourdan et Victoire Satto.
Aberrations & dissonances cognitives
On emploie un tas de mots dont personne n’a la définition
Conscious, green, éco-responsable, éthique, “low impact…“ : vous savez les différencier précisément ? Pourtant si vous êtes là, vous faites déjà partie des personnes sensibilisées. Imaginez quel flou artistique cela représente pour les profanes !
Les gens aiment célébrer la mode, pas la rendre cérébrale”
Cette phrase, Valerie Steele la confiait à notre micro. Ainsi, il serait donc contre-intuitif de s’intéresser à la mode avec un prisme scolaire. Pourtant, si l’on veut consommer mieux, il est nécessaire de s’informer. Le rôle des gouvernements/marques/médias est d’établir des règles, de les appliquer et de rendre ces informations accessibles. Et de ne jamais oublier de pousser la création de beaux vêtements qui font du bien au moral.
L’expression “mode durable” est en elle-même une aberration
La “mode” indique, par définition, le renouvellement incessant de styles et de formes. Si le vêtement est durable, la mode quant à elle est la discipline de la créativité, de la réinvention permanente… Par essence, la consommation de mode et de luxe n’est pas supposée présenter de nécessité pratique ou utilitaire. Le superflu est le nécessaire, d’où la difficulté pour les entreprises de penser à la question de la déconsommation.
L’acte de consommer la mode en lui-même n’est pas négatif. La mode offre la possibilité à chacun·e de créer et de s’exprimer par nos vêtements, tous les jours. C’est l’art le plus démocratique qui soit.
Ce qui est problématique, c’est :
- L’idée que le bonheur est proportionnel à multitude d’objets marchands accumulés, toxiques pour notre mental, notre porte-feuille et la planète.
- Nos pratiques de consommation, notre rapport aux vêtements, les cycles de production des marques de mode, et les déchets générés qui se comptent en tonnes de vêtements jetés/incinérés/enfouis.
Définir des termes, pourquoi faire ? À quoi ça sert ?
Établir un lexique de mots pour définir une mode faite d’engagements nous apparaît nécessaire, car :
- Les marques engagées souhaitent se démarquer des autres marques.
- Les consommateur·ice·s ont besoin de mots clés qui sont des repères quand on cherche des vêtements qui correspondant à nos valeurs.
- Connaître et maîtriser ce lexique et ainsi éviter d’être victime de greenwashing.
Que signifient ces termes et quelles questions doivent-ils soulever ?
L’éthique
Selon la définition du dictionnaire Larousse, l’éthique est “L’ensemble des principes moraux qui sont à la base de la conduite de quelqu’un.” Cette notion est mouvante puisque notre morale est soumise à une évolution. Posé plus simplement : c’est l’Art d’émettre en permanence des questions pour trouver ce qui, à l’instant “t”, apparaît comme la réponse la plus juste (dans tous les sens du terme).
Une marque éthique, selon nous :
- Considère les problématiques environnementales et sociales. De manière générale, elle privilégie trois axes : les matières premières des vêtements ainsi que les méthodes de fabrication ont un faible impact environnemental ; les travailleur·euse·s ont des conditions de travail décentes conformes aux normes de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) avec une rémunération juste ;
- S’interroge sans cesse sur sa raison d’être (ie : Nespresso n’en a pas. Personne ne manquera de capsules si la marque disparaît), les meilleures pratiques de respect de l’Humain (les Droits du Travail et de l’Homme) et de l’Environnement ;
- Met en pratique des actions, à la lumière des réponses trouvées ;
- Communique en transparence sur ce qu’elle fait et ne fait pas (encore) ;
- Se challenge cycliquement : (ie, Hopaal : les matières recyclées sont actuellement les moins impactantes. Si demain c’est le lin, on va vers plus de lin et moins de recyclé) ;
- Fait preuve d’humilité. L’éco-responsabilité ne peut PAS être la Raison d’Être ou le fanion marketing d’une marque. Les vrais faiseurs sont aussi les taiseux.
Un·e consommateur·ice éthique, selon nous :
- S’interroge sur sa consommation (au sens large) : besoin ? envie ? impact ? alternative ? AVANT de consommer;
- Cherche des informations tangibles auprès des marques (et donc, se donne les moyens de les comprendre);
- Décide ou non, en conscience, de valoriser cette marque et ses partenaires en leur confiant son argent;
- S’engage, en tant que partie prenante responsable, à faire durer et à vivre son achat (pas de remise au placard, pas de don même à une œuvre de charité à J+15 (ou photo Instagram +2));
- En bonus : raconte à tout le monde son cheminement, il ou elle est fier·e et heureux·se de vivre selon ces principes, adore apprendre des choses cool et soutenir des marques engagées grâce à The Good Goods !
Le nuage des termes autour de la mode éthique
Mode “durable”
1) La mode durable vise à prolonger la durée de vie d’un vêtement et réduire son impact environnemental. En pratique, cette démarche s’échelonne sur toute la chaîne de production et se traduit par le choix d’une matière première de qualité, de méthodes de fabrication, de production et de distribution saines. Généralement, la marque limite volontairement sa production à deux à quatre collections par an.
2) Les questions à se poser / à poser à la marque qui se dit “durable”:
- Le vêtement me semble-t-il durable ? Pour cela, jeter un œil à l’étiquette pour regarder la composition, analyser la coupe du vêtement, vérifier l’état des finitions des coutures, les doublures, les fournitures…
- Quel est le rythme des collections ?
- Est-ce que la marque a un SAV (service après vente) pour réparer/reprendre/recycler les produits usagés ?
Mode “éco-responsable” / “eco-friendly”
1) La mode éco-responsable intègre des mesures de protection de l’environnement. Un produit va solliciter des ressources tout au long de sa vie. Il existe de nombreuses manières de réduire son empreinte et son impact environnemental.
2) Les questions à se poser / à poser à la marque qui se dit “éco-responsable”:
- Est-ce que la marque détient une ou des certifications/labels suivant·es ? GOTS, OCS, GRS, B-Corp, Ecocert, Œko-Tex Standard 100, Bluesign…
- Où sont situés les fournisseurs géographiquement ?
- Les matières sont-elles recyclées/éco-responsables/upcyclées ?
- Est-ce qu’il y a un service de réparation et/ou recyclage proposé ?
- La marque compense-t-elle son impact ? Entre autres, en plantant des arbres et si oui, comment ?
La mode “responsable”
1) C’est un fourre-tout ! Il faut redoubler de vigilance. La mode responsable englobe de nombreux engagements.
2) Les questions à se poser / à poser à la marque qui se dit “responsable”
- Est-ce que la marque détient une ou des certifications/labels suivant·es ? GOTS, OCS, BSCI, B-Corp, Ecocert, BSCI, Fairtrade, Fairwear, SloWeAre…
- Les matières sont-elles biologiques ?
- La marque suit-elle une démarche éthique ? Le respect des conditions de travail, par exemple
- A t-elle un engagement social ? Est-elle membre au sein d’ONG ou d’une association par exemple.
- Quant est-il de son utilisation des ressources et des modes de production raisonnés ?
- Est-elle engagée dans le commerce équitable qui garantit qu’elle rémunère justement des producteur·rice·s.
L’ “éco-conception”
1) L’ecodesign, appelé en France écoconception, est défini comme « l’intégration des caractéristiques environnementales dans la conception du produit, en vue d’améliorer sa performance environnementale tout au long de son cycle de vie ». Pour chaque étape allant du design jusqu’à la fin de vie, il faut tenir compte des effets générés sur l’environnement, puis repérer les sources de difficultés et proposer des améliorations pour réduire, voire supprimer ces impacts négatifs.
2) Les questions à se poser / à poser à la marque qui se dit pratiquer l’éco-conception
- La marque optimise-t-elle le volume de tissu utilisé ? Patrons zéro-déchet, upcycling des chutes…
- La marque a t-elle une ou des certifications/labels suivant·es ? FSC, SloWeAre, GRS, Cradle to Cradle (C2C), uptrade tissu sauvé.
- Est-ce que la marque utilise des matières éco-responsables ou issues de la valorisation textile ?
- Est-ce que la marque a un SAV pour réparer/reprendre/recycler les produits usagés ?
Mode “cruelty-free”
1) Depuis des années, l’organisme PETA scrute de très près le secteur de la mode et du luxe en ce qui concerne l’exploitation des animaux. Le terme “cruelty-free” peut être traduit par “sans-cruauté”. Qu’est-ce qu’une mode respectueuse des animaux ? Vaste sujet dont la réponse s’avère être relativement subjective en fonction des priorités de chacun·e : conditions d’élevage, d’abattage, présence ou non de matière animale, matières vegan…
2) Les questions à se poser / à poser à la marque qui se dit cruelty-free :
- Quelle est l’origine du cuir ?
- Est-ce une marque vegan ?
- Est-ce que la marque détient une ou des certifications/labels/appellations suivant·es ? : Naturleder assure que le cuir ne provient pas d’animaux sauvages ou d’espèces protégées) ; PETA Approved Vegan garantit que les produits ne contiennent pas de matériau d’origine animale, et ne doit pas avoir été testé sur des animaux ; Responsible Down Standard (RDS) contrôle les conditions d’élevage des oies et des canards pour les doublures des vestes d’hiver de type doudounes ; Responsible Wool Standard (RWS) contrôle les conditions d’élevage des animaux dont est issue la laine ; Responsible Mohair Standard assure le bien-être des chèvres pour la production de Mohair.
Mode “low impact” “bas carbone” “désimpactée”
1) La mode low impact s’engage à réduire son impact sur nos écosystèmes. Cette démarche peut être activée de manière variée : l’éco-conception, l’upcycling, le soutien aux initiatives locales et/ou solidaires, le choix de fournisseurs employant des énergies autre que le charbon et le gaz, la rupture avec le cycle des collections pour privilégier le calendrier des récoltes…
2) Les questions à se poser / à poser à la marque “low impact“
- Est-ce que la marque emploie des matières issues de la valorisation textile ? Par exemple, le label “Uptrade – Tissu sauvé” garantit l’origine et la démarche responsable de partenaires.
- Les produits sont-ils éco-conçus et durables ?
Le mot de la fin… Vigilance. “Green”, “Conscious”, “Save the planet”… : on ne les a volontairement pas défini, parce qu’il s’agit de mots sucrés du marketing que l’on préfère voir éviter.
Vous avez les clefs en main, le (libre-)arbitre, c’est vous.
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