Transformer ses convictions zero-waste en métier
Génération Do It Your Life. Camille fait partie de ces déviant.es, ces repenti.es, ces reconverti.es du marketing et des emplois de bureau. Des activistes qui sommeillaient en un growth marketer ou un customer relationship manager et dont la dissonance cognitive a eu raison de leur premier emploi. Un doigt dans l’engrenage du zero-waste, c’est toute son âme qu’elle plonge dans l’engagement citoyen, fédérant une communauté virtuelle de près de 25 000 personnes et un groupe de pression civile au sein de son arrondissement, avec l’aide de la Mairie de Paris, déclinant localement l’Accord pour le Climat.
Récit d’un rêve d’activisme bien (r)éveillé.
Éveil
Ma transition est née de petites situations du quotidien qui progressivement me sont apparues absurdes, à commencer par ma poubelle remplie de cotons démaquillants à vider chaque semaine.
J’ai fait des études de marketing. J’ai appris à décoder les produits du marché et les messages pro-consommation qui vont avec. Je connais les enjeux des marques et les méthodes de sur-segmentations du marché qui permettent de créer de nouvelles envies pour des produits dont on n’a pas besoin. Une crème de jour. Une de nuit. Un fond de teint. Une poudre libre. Un anti-cerne.
Un jour, un ami que j’avais invité à prendre un café m’a apporté des dosettes. J’ai eu une sorte d’arrêt sur image : cette dosette en aluminium emballée dans un plastique individuel, je la connaissais aussi dans son hangar posée sur un rack en carton contenu par un autre carton, sur une palette enroulée dans de la cellophane.
Du délire.
J’ai arrêté les dosettes de café et acheté des cotons lavables, j’ai mis un pied dans la porte du zéro-déchet.
Aldo Leopold.
Crédits @GirlGoGreen
L’arbre qui cache la forêt
À partir de ce moment, j’entame une vie de déconsommation. Nous sommes en 2015, je travaille en marketing dans un grand groupe agro-industriel, en parallèle je me forme aux questions de transition écologique en tant que bénévole dans les asso, au sein d’ateliers.
Progressivement, la dissonance cognitive devient trop importante entre mon travail quotidien et mes contributions civiles. En 2018, je décide de quitter mon emploi.
Plus je me renseigne, plus j‘apprends sur le sujet et plus mes actes se radicalisent vers le minimalisme et le zéro-déchet. Après l’alimentation, la cosmétique et les vêtements, je m’intéresse à la pollution numérique, puis aux voyages. Chaque jour amène son lot de nouveaux combats et de nouvelles consciences. Je viens de passer mon été à construire un van aménagé avec des solutions autonomes pour voyager avec un impact moindre sur l’environnement et promouvoir une mobilité durable.
Crédits @GirlGoGreen
Go green girl
En 2018, je pars faire une première expérience dans un éco-village à Quinta au Portugal. J’ouvre mon compte Instagram pour partager quelques images de mon quotidien : la permaculture, la cuisine zéro-déchet. L’idée de départ état de sensibiliser à des petits gestes du quotidien afin qu’ensemble, ces gestes bout à bout produisent un fort impact. Mon activisme grandissant a été communicatif, ma page a évolué avec moi d’un projet personnel à une invitation au changement. J’ai réalisé que j’avais le pouvoir de pousser les gens à agir en leur donnant des moyens simples et de niveaux d’actions individuelles puis collectives.
C’est le message du mouvement de désobéissance civile : bloquons la république des pollueurs.
Le pouvoir des individus
À côté de ce compte, j’ai fondé un collectif dans mon arrondissement à Paris : un groupe de pression citoyen.
Beaucoup l’ignorent mais la Mairie de Paris a écrit le plan climat de Paris suite à l’Accord de Paris. L’Accord de Paris est le premier accord universel sur le climat/réchauffement climatique. Il fait suite aux négociations qui se sont tenues lors de la COP21 en 2015 dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques. Le Plan Climat de Paris est national et décliné à l’échelle des collectivités mais pas par arrondissement, à l’exception du 10ème [le sien NDLR].
C’est essentiel pour moi car c’est là qu’il nous reste du pouvoir. Soi-même, sa communauté, son voisinage : on peut prendre la ville en étau entre ses obligations étatiques (la loi) et la base (nous) qui souhaite que les choses changent.
Avec les parties-prenantes du territoire et grâce à l’intelligence collective nous sommes en train de co-écrire la déclinaison du Plan Climat de paris à l’échelle de l’arrondissement avec une feuille de route et des actions concrètes. Aujourd’hui, je crois qu’il faut que les citoyen.ne.s fassent cité pour construire l’environnement dans lequel ils ont envie de vivre. Après m’être formée, je pratique moi-même une activité de conseil aux particuliers, aux associations, aux acteurs du changement qui souhaitent contribuer à la transition écologique. Je contribue également à faire beaucoup de sensibilisation à travers mon activité de conférencière.
Crédits @GirlGoGreen
Do it your life
J’ai maintenant développé une activité mixte entre free-lance et auto-entrepreneur. J’ai la possibilité de m’extraire de la ville de temps en temps, comme par exemple dernièrement dans un éco-village en Bourgogne, Eotopia, qui reçoit des groupes pendant 2 semaines 4 fois dans l’année. C’est une communauté de personnes qui décident de vivre ensemble dans une gouvernance horizontale et partagée, respectant l’altérité et privilégiant en toutes choses la communication. Ils sont également véganes, pro-récup et pratiquent le troc et le don.
Crédits @GirlGoGreen
Hype in zerowaste
#hypeinzerowaste est une campagne que j’ai lancé sur les réseaux dans le but de démocratiser l’emploi des objets durables alternatifs aux jetables. Ce qu’on voit sur les réseaux sociaux liés aux modes de consommation alternatifs est toujours similaire, vieillot, rasoir. Très peu engageant si l’on n’est pas déjà convaincu. Je voulais montrer que le zéro-déchet peut-être désirable, hype et n’est pas réservé à une poignée d’écolo convaincus.
J’ai lancé un appel à ma communauté pour connaitre les incontournables de leur quotidien zéro-déchet. L’engouement a été massif : j’ai reçu des centaines de réponses ! J’ai sélectionné les plus redondantes et j’ai réalisé une série de photos avec une styliste et amie Charlotte Msellati. On s’est dit qu’il fallait jouer à fond la carte de la dérision en glamourisant le zéro-déchet, en détournant les codes de la mode : garder leur côté aspirationnel et amener un décalage avec un objet zéro-déchet. La réaction a été explosive : les gens ont non seulement adhéré à l’idée mais ce sont mis à la reproduire et m’envoyer leurs propres photos avec les mêmes codes et une grande créativité. Nous en avons même fait un concours officiel avec Aurore Market.
J’aime faire passer des messages de façon ludique. Je publie régulièrement des chansons dont je détourne les paroles pour faire de la sensibilisation. Je les relaie sur ma chaine Youtube, mon compte Twitter et elles sont à la une de ma page Instagram.
Tous les réseaux sociaux sont des canaux puissants sur lesquels communiquer. Il nous appartient de faire de ces outils des objets de pouvoir.
Crédits @GirlGoGreen x Charlotte Msellati