Faut-il changer les dates des soldes ?

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Les soldes sont depuis plusieurs années déjà au centre de nombreux débats au sein de l’industrie de la mode. Autrefois moment clé du calendrier commercial, elles semblent aujourd’hui déphasées tant par rapport aux saisons qu’aux habitudes des consommateur·rices et aux cycles de production. Plusieurs acteurs du secteur appellent donc à repenser leurs dates pour retrouver une synchronisation parfaite du calendrier avec les évolutions du marché. Pourquoi un tel bouleversement est-il envisagé, comment peut-il être mis en place, et quelles seraient les conséquences d’un changement ?

Le développement du e-commerce et la multiplication des campagnes promotionnelles en dehors des soldes officielles ont fortement affaibli l’impact des soldes traditionnelles.
Le Black Friday a lieu fin novembre, les ventes privées que pratiquent une majorité d’acteurs ont lieu juste après les fêtes de fin d’année. “Ces dispositifs principalement dus au e-commerce et à la digitalisation reviennent, en fait, à décaler la date des soldes en amont puisque les promotions commencent, en fait, bien avant le lancement officiel des soldes.” souligne Yann Rivoallan, président de la Fédération Française du Prêt-à-Porter Féminin. De fait, le phénomène promotionnel qui était autrefois réservé aux soldes s’étale désormais sur environ la moitié de la saison d’hiver et prive les soldes de leur caractère exceptionnel.
Cet emballement des promotions a un coût pour les enseignes qui choisissent de rester fidèles au calendrier officiel des soldes. Comme le rappelle Yann Rivoallan, “tous les acteurs qui ne font pas de promotions avant sont punis puisque les client·es sont captés par les autres marques qui, elles, rentrent dans ce système de promotions en dehors des soldes“.

Le calendrier des soldes n’est en phase ni avec les saisons, ni avec les habitudes d’achat

Les consommateur·rices n’anticipent plus les achats comme avant. Ils achètent davantage pour répondre à un besoin immédiat.” analyse Yann Rivoallan. Un constat validé par l’expérience des commerçants. C’est en fait un décalage entre la saison météorologique et la saison des soldes qui, combinée à ces comportements d’achat, rend les soldes telles qu’elles existent aujourd’hui parfois handicapantes. “L’été 2023 a duré jusqu’en octobre, alors que nous vendions des pulls depuis fin août. Malgré la demande, on ne peut pas vendre des robes en septembre puisque nous n’avons tout simplement plus. Toutes ont été vendues en soldes en juin ou juillet.” raconte Marie Nguyen, fondatrice de WeDressFair. “Ça fait deux saisons au moins que c’est comme ça et qu’on rate notre saison d’été avant que l’été soit terminé.

Malgré la demande, on ne peut pas vendre des robes en septembre puisque nous n’avons tout simplement plus. Toutes ont été vendues en soldes en juin ou juillet.

flocage "soldes" sur une vitrine de boutique de vêtements

Constat : cette désynchronisation générale ne permet plus aux soldes d’être un moment de déstockage pour les marques

Côté marques et commerçants, les soldes visent, en théorie, à écouler les invendus pour libérer à la fois de l’espace et de la trésorerie avant l’arrivée des nouvelles collections. Un objectif que le système et le calendrier actuels ne permettent plus d’atteindre. Les boutiques reçoivent généralement les collections printemps-été en février. Les soldes d’hiver début janvier arrivent donc légèrement trop tôt. “Pour retrouver un rythme logique, il serait plus évident que les soldes d’hiver arrivent en février.” préconise Pierre Talamon, président de la Fédération Nationale de l’Habillement.
Un tel déplacement des soldes aurait des implications plus larges. “On déplace par la même occasion le curseur du cycle commercial, avec une répercussion sur l’industrie. On prend un peu plus de temps pour livrer mais on revient à un tempo plus apaisé” précise-t-il.

Organiser les soldes 1 à 2 mois plus tard qu’aujourd’hui 

Faut-il décaler les soldes de quelques semaines, d’un mois comme le propose la Fédération Nationale de l’Habillement, ou faut-il envisager un changement plus drastique, vers un décalage de plusieurs mois ?
La loi française qui garantit la liberté des prix empêche en théorie toute interdiction des promotions hors soldes. Il apparaît qu’un décalage du calendrier maintenu au minimum, de quelques semaines seulement, aurait peu de chances de répondre au problème posé par les promotions et les ventes privées en amont qui pourraient, sans problème, suivre le léger décalage des soldes, voire s’étendre encore.

Une option plus radicale consisterait à décaler les soldes à la fin des saisons, en septembre pour les soldes d’été, en mars pour les soldes d’hiver, propose Yann Rivoallan

Réserver les soldes aux seuls acteurs responsables 

La Fédération Française du Prêt-à-Porter Féminin évoque un autre changement règlementaire pour aller plus loin qu’un simple décalage de calendrier, en intégrant la question des soldes dans le cadre de la loi anti-fast fashion votée en mars 2024 qui prévoit, déjà, un système de bonus-malus selon la durabilité des produits proposés par les marques de mode. “Si les acteurs qui font des produits non responsables n’ont plus le droit de faire de soldes, et que seules les marques responsables y ont accès, alors les produits soldés seront uniquement les produits responsables” propose Yann Rivoallan qui appelle les fédérations à organiser une consultation entre les différents acteurs pour formuler des propositions concrètes et opérationnelles.

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