La mode est une industrie dans laquelle la mise en scène est importante et le merchandising renouvelé à un rythme parfois effréné. Résultat : les décors, le mobilier qui peuplent les boutiques de vêtements ont parfois des durées de vie très courtes. Les espaces de vente de la mode génèrent donc une quantité importante de déchets. Une solution : le réemploi. Une approche difficile à mettre en place et qui nécessite un changement de paradigme, mais à laquelle nous proposons de nous initier grâce à l’expertise de professionnels bien aguerris sur le sujet : l’agence de design Emilieu Studio.
Les enjeux écologiques du réaménagement d’une boutique
Le réaménagement d’un espace génère systématiquement des déchets colossaux. Bien sûr, il y a les rénovations bénéfiques à l’environnement, celles qu’on ne peut pas éviter : mise aux normes, isolation thermiques, entretien structurel… Néanmoins, dans le cas d’une boutique de mode, la raison principale d’un projet de réaménagement est bien souvent l’esthétique, la mise à jour de la direction artistique, la mise en avant de certains produits spécifiques, pour des enjeux d’image et d’expérience client. “La problématique, c’est le turnover du réagencement intérieur des boutiques qui sont liés aux saisons, aux tendances. C’est un vrai problème en termes de déchets.” confirme Paul Marchesseau, architecte d’intérieur designer et fondateur de l’agence Emilieu Studio. Face au gaspillage de ressources, un changement de perspective vers le réemploi est nécessaire. Le réemploi était encore commun au début du 20e siècle. Aujourd’hui, cette démarche est devenue extrêmement minoritaire.
Le réemploi n’implique pas de figer sa direction artistique
Les directions artistiques des marques évoluent bien entendu, petit à petit au fil des saisons, jusqu’à être refondues au bout de quelques années. Comment faire alors pour que son espace de vente continue de refléter ses évolutions tout en conservant le même mobilier ? Il semble évident que dans le cadre du réemploi, le style d’une boutique est nécessairement contraint par ce dont la marque dispose déjà mais tout est question de personnalisation et d’accessoirisation de l’existant. Paul Marchesseau explique “Ce n’est plus un carnet de tendance, un carnet de style qui va orienter l’agencement et le décor. Le style va être amené par des effets de surface, par le retraitement du mobilier : la peinture, des plaquages, etc. Il faut que les marquent pensent le mobilier non plus à N+5, mais peut-être même à N+50. Le mobilier doit s’adapter à des décors, à des effets de surface. On doit pouvoir faire évoluer la DA en changeant le décor uniquement, sans le mobilier.”
Comment faire ? Bonnes Pratiques pour un réaménagement aussi circulaire que possible
“Le merchandising produit beaucoup de déchets. Le travail de vitrine est quasi systématique jeté alors que les matériaux pourraient être réemployés. Il faut penser le cycle de vie de tout ce qui constitue les mises en scène éphémères.” explique Paul Marchesseau. De manière générale, il est essentiel de structurer le travail en amont et renforcer autant que possible la collaboration avec les professionnel·les qui interviennent sur le projet de réaménagement, afin d’identifier les éléments réutilisables, limiter la dépose, favoriser la revalorisation. En somme, laisser en place ce qui peut l’être, et trouver une utilisation nouvelle à ce qui va être déposé avant même de décrocher. La mobilité doit être placée au cœur de la conception, avec un mobilier adapté, moins ultra-stylisé mais donc moins caduc à chaque changement de direction artistique. “La réversibilité est aussi importante. Il faut que les aménagements soient démontables. Penser la démontabilité, c’est faire appel à des matériaux qui ne seront pas abîmés, détériorés lors du démontage.” ajoute Paule Marchesseau. “Dans le même temps, il vaut mieux éviter tous les matériaux avec un fort impact écologique : le marbre, les pierres rares, les bois exotiques, le médium, l’acier. On préfère des matériaux réemployables stylisés par des revêtements qui peuvent facilement être reponcés, qui ne génèrent pas beaucoup de déchets quand on les retire.”
“Il faut penser le cycle de vie de tout ce qui constitue les mises en scène éphémères.” Paul Marchesseau
L’enjeu est d’être bien entouré. Un état des lieux et une très forte collaboration avec les professionnel·les qui interviennent sur le projet s’imposent. L’idée est d’établir ce qui va pouvoir être préservé et réemployé. L’œil d’un·e pro est nécessaire pour réaliser ce qu’il est possible de faire d’un meuble existant, des manières de le compléter. “Dans une boutique, on peut tout à faire faire du plug, c’est-à-dire utiliser un meuble existant, une étagère par exemple, et y plugger un autre élément pour la compléter. Il s’agit d’accessoiriser le mobilier existant pour augmenter ses fonctions, changer ses effets de surface mais aussi son apparence.” propose Paul Marcheasseau.
C’est également en collaborant de très près avec les architectes d’intérieurs, menuisiers et autres acteurs du projet qu’on peut mêler les gisements et peut faire émerger des idées de design circulaire. Les ateliers de ces professionnel·les sont souvent remplis de chutes et des matériaux en provenance d’autres projets. Ce gisement peut éventuellement être intégré et compléter les matériaux déjà disponibles en interne. De plus, le·a professionnel·le sera le plus à même de donner des idées de ce qu’il est possible de faire avec ces chutes.
Évidemment, la première source de matériaux est à chercher en interne. Les groupes, les marques qui disposent de plusieurs boutiques peuvent valoriser leur gisements d’une boutique à l’autre. “Toutes les marques devraient tenir en interne une base de données de tout ce dont elles disposent pour pouvoir envisager le réemploi, la revalorisation de ce qu’elles ont déjà, leurs mobiliers, leurs matériaux, dans d’autres projets d’aménagement.”
Pour le mobilier dont on ne dispose pas déjà, il existe des sources de mobilier et de matériaux de seconde main
“Il faut maximiser le réemploi à travers des filières. Il y a pleins d’éléments, les portants par exemple, qu’on peut facilement trouver en réemploi et qu’on peut ensuite recouper, styliser… Puisque les boutiques changent beaucoup, il y a un très gros gisement.” confirme Paul Marchesseau.
La reserve des arts
Deux grands entrepôts à Paris et Marseille pour acheter des matériaux déchets de grandes entreprises, notamment du luxe. On y trouve des meubles qui ont servi à aménager des set photos, des défilés mais aussi des boutiques ou des showrooms.
Le Parpaing
Le Parpaing est un magasin de matériaux de réemploi pour la construction lancé par Zerm à Roubaix. Il vise la remise en circulation de matériaux de seconde main et s’adresse à toute personne investie dans un projet de construction (maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, entreprise générale, artisan.e.s, particuliers).
Le Parpaing propose aussi des services de Bureau d’Étude Technique réemploi et d’Assistance à Maîtrise d’Ouvrage
Rotor DC
Poignées de portes, luminaires mais aussi des trouvailles originales comme des pierres taillées, Rotor est une mine d’or de réemploi de matériaux de construction, mais également des éléments de décoration et des pièces de mobiliers.
Muto
Muto récupère les éléments de décor et le mobilier du secteur événementiel. Ces éléments sont parfaitement adaptés à l’aménagement d’une boutique ou d’un corner.
La Ressourcerie du Cinéma
Le concept est simple : sauver les décors de la déchetterie. On y trouve de tout, des meubles, de la décoration mais aussi des revêtements, des portes, des fenêtres… La Ressourcerie du Cinéma propose aussi ses objets en location, une solution intermédiaire très adaptée pour le merchandising, ou l’événementiel, des aménagements très éphémères.