Clean Clothes Campaign et Action Aid exhortent les vendeurs et les marques de mode à retirer leurs poursuites contre des milliers de travailleur·ses bangladais. Accusé·es, à tort ou à raison, d’avoir participé aux manifestations d’octobre et novembre 2023 en faveur d’une hausse du salaire minimum, environ 40 000 ouvrier·es bangladais·es risquent la prison. Pourtant, ce soulèvement et ces grèves ont été pacifiques et sont largement jugés légitimes à travers le monde.
“Les marques complices de la répression au Bangladesh”
C’est ainsi que l’ONG Action Aid résume la situation. Les marques internationales qui s’approvisionnent au Bangladesh sont accusées de complicité tacite dans la répression menée par les autorités locales. En novembre 2023, alors que le gouvernement devait réviser le salaire minimum pour les travailleur·ses du textile, des centaines de milliers d’ouvrier·es se sont mobilisés. Quatre manifestant·es ont alors été tués par la police, 131 ont été arrêtés, et de nombreux employeurs ont déposé plaintes contre ces travailleur·ses, souvent anonymes, qui ont mis les usines à l’arrêt.
En 2019, dans un contexte similaire post-manifestations, 11 600 travailleur·ses avaient perdu leurs emplois suite à des poursuites judiciaires, d’après l’IndustriALL Bangladesh Council (IBC),la branche bangladaise du mouvement syndical du textile IndustriALL.
Le contexte des manifestations au Bangladesh
Pour tenir sa position de deuxième exportateur mondial de vêtements, le Bangladesh dépend de millions d’ouvrier·es dont la majorité vivent sous le seuil de pauvreté. La mobilisation de novembre 2023 marquait la troisième tentative de leur part pour revaloriser leur salaire depuis 2013. Des dizaines de milliers d’ouvrier·es se sont mobilisé·es, uni·es par une revendication rare dans le pays. A certains moments de la grève, sur les 3 500 usines textiles que compte le Bangladesh, près de 600 se sont trouvées forcées de fermer.
Au Bangladesh, les salaires minimum dans le secteur sont renégociés tous les 5 ans
Une décision prise suite à la tragédie du Rana Plaza. Ces négociations sont menées au sein d’un conseil qui réunit syndicats, employeurs et représentants du gouvernement. En 2013, le salaire mensuel a été relevé de 38 $ à 68 $, puis à 80 $ en 2018. En 2023, les ouvrières demandaient entre 150 $ et 200 $ par mois, un montant vital face à l’inflation. Le conseil proposait, lui, entre 104 $ et 114 $. Salma Lamqaddam, chargée de campagne chez Action Aid, nous expliquait alors “Pour faire vivre dignement une famille de quatre personnes, il faudrait au moins 400 $ par mois”.
Des accusations de plus en plus lourdes contre les marques
Pour Kalpona Akter, présidente de la Bangladesh Garment & Industrial Workers Federation, l’annulation de ces poursuites est un premier pas vers une industrie où les travailleur·ses peuvent vivre dignement et organiser leur défense collective sans peur de représailles. En réponse à cette violence, les entreprises internationales se retrouvent sous le feu des critiques pour leur manque de soutien aux ouvrier·es et leur absence de prise de position en faveur de conditions de travail décentes et de la liberté syndicale.
Clean Clothes Campaign et Action Aid affirment que les grandes marques, en ne prenant pas position contre les poursuites, valident implicitement la criminalisation du mouvement des ouvrier·es et perpétuent des conditions de travail précaires dans le pays. En France, trois marques sont concernées : Carrefour, Décathlon et Kiabi. Selon le tracker mis en ligne par Action Aid, Kiabi aurait, par exemple, déposé 45 plaintes contre des ouvrier·es identifiés, et 11 200 plaintes anonymes.
Face à ce constat, les deux associations appellent à une mobilisation professionnelle et citoyenne
Le secteur textile international, et en particulier les grandes marques, sont appelées à prendre une position claire. Les consommateurs et professionnels peuvent interpeller les marques sur les réseaux sociaux avec le mot-clé #WagesNotJail.