Le secteur du textile est l’un des premiers à avoir établi une chaîne d’approvisionnement mondialisée, dès le 18ᵉ siècle. Machine à tisser ou à vapeur, travail à la chaîne, la mode était jusqu’alors la spécialité d’artisan·e·s de proximité. Les innovations technologiques, de la mécanique, aux transports ont joué un rôle majeur dans l’accélération de l’émergence d’une société industrialisée. Le Royaume-Uni est un des premiers pays à connaître cette accélération, grandement dû à son statut d’empire colonial, facilitant ainsi l’accès aux matières premières telles que le coton et la soie. La délocalisation des entreprises occidentales dans le secteur du textile vers des pays asiatiques tels que la Chine, le Bangladesh ou encore le Vietnam est motivée par la recherche de coûts de production réduite et des marges plus élevées. Nous payons aujourd’hui les conséquences environnementales et sociales de la division internationale du travail, mais également économiques, la France ayant perdu 51 % des forces de son industrie de 1996 à 2015. Dans cet article, nous exposons les interdépendances entre les pays producteurs de vêtements ainsi que les changements à opérer pour tendre vers plus de durabilité.
La Chine est toujours l’atelier du monde
D’après les données récoltées par le site Statista sur le classement des principaux exportateurs de textiles au niveau mondial sur l’année 2021 [réf], la Chine est en tête du podium avec une valeur d’exportation frôlant les 146 milliards de dollars. L’industrie textile est motrice dans l’économie chinoise, représentant le deuxième secteur d’exportation le plus important du pays, juste après la machinerie et les hautes technologies. En 2021, elle constitue 41.4% des parts de marché mondial du secteur du textile et de l’habillement [réf]. Vient ensuite l’Union européenne qui se répartit 26% du marché mondial des exportations, l’Italie, Allemagne, Espagne et la France. L’EU est cependant l’un des plus grands importateurs de vêtements issus des pays du Sud-Ouest de l’Asie. L’Office statistique de l’Union européenne, Eurostat [réf], énonce sur son site que les États membres de l’UE ont importé environ 55 % de leurs vêtements et textiles de pays situés en dehors de l’union. Cette proportion colossale démontre la dépendance de l’Europe vis-à-vis des pays étrangers pour son approvisionnement en textiles. Les principaux pays exportateurs de vêtements vers l’Union européenne sont : la Chine qui représentait environ 30 % des importations totales, suivie du Bangladesh 18%, de la Turquie 12% ainsi que l’Inde et le Vietnam qui ensemble représentent 4% des importations textiles.
Les principaux pays producteurs de textile à l’échelle mondiale.
La délocalisation n’est pas seulement due à l’attraction des bas salaires. Une véritable volonté politique a été mise en place en amont, tantôt dans les pays producteurs pour dynamiser l’économie, que du côté des marques occidentales. La Chine et tout un panel des pays ayant connu leurs essors économiques ces 50 dernières années, ont opté pour une politique agressive de production de masse, dans un rapport qualité-production défavorable. Constat, néanmoins à nuancer depuis quelques années où le gouvernement chinois témoigne d’une volonté d’un nouveau positionnement vers le haut de gamme et le secteur du luxe.
Depuis la pandémie, les risques d’une production éloignée et les coûts faramineux des transports renforcent le besoin de réindustrialiser les territoires français et de proximité plus généralement. Cependant, l’industrie reste dépendante de l’import des matières premières et des coûts finaux conséquents des produits locaux qui rendent les marges faibles et la survie des marques compliquées, en particulier devant des prix radicalement bas et les pratiques de l’ultra fast-fashion qui semblent anti-concurrentielles.
Pourquoi la production textile, en particulier en Chine, pollue ?
Concernant l’environnement, la Chine avance une position quelque peu ambiguë, tantôt la plus grande émettrice de gaz à effet de serre, en raison d’une utilisation massive du charbon comme source d’énergie, tantôt l’un des pays les plus ambitieux dans le développement des énergies renouvelables.
Pression sur les coûts de production, taxes et force de frappe industrielle : pourquoi la mode produit loin
Les pays en développement offrent des conditions de travail moins chères et moins réglementées, ce qui encourage les entreprises à délocaliser leur production.
Le coût de la main-d’œuvre est l’argument central du maintien d’une chaîne d’approvisionnement lointaine et d’une maltraitance ouvrière. L’Institut français de la Mode en 2019 avait publié les résultats de recherches portant sur l’analyse et la comparaison des coûts de production. La méthodologie de l’étude était concentrée sur un panel d’articles : les chemise pour hommes, les jeans pour homme et les pulls en maille pour femme. Parmi les pays inclus dans cette analyse concurrentielle, on retrouvait : la Chine, la Tunisie, La Turquie, Le Bangladesh, le Vietnam, le Pakistan, le Portugal et la France.
Premier constat, ces recherches soulignent que malgré l’augmentation du niveau des salaires chinois, le pays reste encore très attractif, restant moins cher que la Turquie par exemple. L’article souligne que cette compétitivité maintenue est aussi en grande partie liée à la capacité des manufactures chinoises de produire très rapidement.
Le coût des taxes douanières est également un paramètre qui influence ce système. L’écart entre la Chine et le Vietnam est creusé par les coûts douaniers. Le Cambodge, la Birmanie et le Bangladesh bénéficient d’une exonération de taxe. Concernant la Turquie, les droits de douane augmentent les prix des produits tunisiens et marocains, les rendant semblables à ceux de leurs concurrents directs. L’étude met aussi en avant l’importance croissante de la Turquie et du Portugal dans l’industrie textile. Le Portugal, avec des rémunérations réduites par rapport à la France, s’est positionné sur des productions de qualité, notamment en maille. La compétitivité hors prix, telle que la qualité et la proximité géographique, est aussi un facteur clé de son succès.
La production délocalisée implique des transports longue distance, entraînant une augmentation des émissions de carbone et une dépendance aux énergies fossiles. Néanmoins, malgré le transport, les bas coûts de production et de l’énergie carbonée utilisée par ces pays rendent malgré tout plus avantageux une production lointaine.
Quelles initiatives et solutions pour une industrie textile plus respectueuse de l’environnement ?
Certains acteurs de l’industrie appellent à une prise de conscience collective et à une action concertée pour promouvoir une industrie textile plus durable. Les coûts d’une transformation profonde doivent être supportés par des acteurs variés sur la chaîne de valeur.
Des certifications telles que le label GOTS garantissent que les textiles sont produits à partir de fibres biologiques et respectent des critères environnementaux et sociaux stricts. En 2020, plus de 10 000 installations textiles étaient certifiées autour du globe. L’effort s’intensifie avec la certification ROC pour une agriculture régénérative des fibres textiles.
La mode circulaire gagne également du terrain, comme le montre l’étude Accenture parue en 2023, au sujet du réemploi, de la réparation, de la location, du recyclage.
Dans l’Hexagone, le programme France Relance est une initiative du gouvernement français visant à stimuler l’économie et favoriser la relance après la crise économique causée par la pandémie de COVID-19 qui a mis à mal bon nombre de petites entreprises textiles. Lancé en septembre 2020, ce programme repose sur un plan de relance économique doté d’un budget de 100 milliards d’euros, dont 30 milliards d’euros sont destinés à la transition écologique de l’industrie. Le programme se concentre sur trois axes principaux : l’écologie, la compétitivité et la cohésion sociale. Il vise à soutenir la transition écologique, à renforcer la compétitivité des entreprises françaises et à promouvoir l’inclusion sociale.
Le label “Entreprise du Patrimoine Vivant” (EPV) est une reconnaissance officielle de l’État français qui permet aux entreprises de se distinguer par leurs savoir-faire exceptionnels. Lancé en 2005, ce label met en avant des entreprises qui allient tradition et innovation, savoir-faire et créativité, patrimoine et avenir, local et international. Il est décerné par les préfets de région et est rattaché au ministère de l’Économie et des Finances. Renouvelable tous les cinq ans, il regroupe des fabricants qui se distinguent par leur savoir-faire, engagement en matière de formation et d’innovation.
Nous devons repenser notre modèle de production et de consommation dans l’industrie textile afin de répondre aux enjeux écologiques et climatiques. La production en sur-régime et la surabondance de vêtements doivent être réduites de manière significative afin d’être en adéquation avec les objectifs climatiques fixés par le GIEC.
Références
Textile Industry Analysis: Trends, Challenges, and Opportunities
Where do our clothes come from?
COP26 : où en sont les promesses des plus gros pollueurs de la planète
What is Textile & Fashion 2030?
https://textileandfashion2030.se/en/what-is-textile-fashion-2030/
Les certifications GOTS ont bondi d’un tiers en 2020 #145
https://parisgoodfashion.fr/fr/news/les-certifications-gots-ont-bondi-dun-tiers-en-2020-145/
Le plan France Relance : bâtir la France de 2030
Textile/Habillement : quels véritables prix de revient en Asie et Euromed ?
Ouïghours: Amnesty International apporte un nouvel éclairage sur les persécutions
Ouighours, Kazakhs et autres minorités musulmanes victimes de crimes contre l’humanité
https://www.amnesty.fr/discriminations/actualites/ouighours-kazakhs-minorites-musulmanes-victimes-crimes-humanite
