Les textiles biosourcés ou bio-based fibers représentent une nouvelle génération de matériaux dont les qualités esthétiques et les performances techniques ouvrent les portes des marchés du prêt-à-porter, de la maroquinerie, de la chaussure ou encore de l’automobile. Ce d’autant plus qu’ils sont désormais disponibles à grande échelle, là où il y a encore quelques années ils constituaient des opportunités d’investissement en Recherche & Développement pour les marques. Si plusieurs questions subsistent – attractivité pour les clients finaux, réelle alternative écologique, durabilité – l’offre s’étoffe au rayon des coproduits transformés de l’industrie agro-alimentaire. Ils peuvent être entièrement ou partiellement dérivés de sources naturelles et renouvelables : algues, orties, champignons, feuilles de bananiers, peau de pomme… Zoom sur les petits génies des textiles de demain, à découvrir sur l’édition de février 2023 de Première Vision Paris.
Qu’est-ce qu’un textile biosourcé ?
Selon la Commission européenne (2020), les matériaux biosourcés sont « entièrement ou partiellement fabriqués à partir de ressources biologiques, en comparaison aux matières premières d’origine fossile ». Selon la Fondation Ellen McArthur [EMF, 2017] la définition doit prendre en compte l’analyse des cycles de production biologiques – c’est-à-dire l’utilisation de ressources renouvelables et de coproduits capables de biodégradation complète dans la nature – et de cycles techniques, tenant compte des étapes de transformations chimiques requises pour arriver à la matière finale.
Retrouvez ces startups sur l’espace exposant Smart de Première Vision Paris, les 7, 8 et 9 février 2023 au Parc des expositions de Villepinte
Les unités de base des bio-textile : les biopolymères et les biofilaments
Les biopolymères
Les biopolymères ou bio-based polymers sont des polymères issus exclusivement d’organismes vivants ou de polymères synthétisés à partir de ressources renouvelables.
On les différencie des polymères de synthèse, d’origine fossile (issus de la pétrochimie) et des polymères dit “biodégradables“ qui désignent des polymères d’origine fossile auxquels sont ajoutés des additifs favorisant leur dégradabilité. Les biopolymères sont issus de la biomasse, c’est-à-dire de déchets organiques natifs ou modifiés.
Pyratex®
Les grandes familles de biopolymères
– La chimie raisonnée concerne des ressources renouvelables végétales travaillées seules ou en composite avec des ressources pétrochimiques. Un exemple chez Frumat, l’AppelSkin® à base de déchets de pommes. Autre exemple, chez Desserto, les matières Desserto® (pour la mode, maroquinerie et chaussure) et Dessertex® (dédiée à l’industrie automobile) réemploient les fibres du nopal, cultivé au Mexique notamment à des fins alimentaires ou pharmaceutiques.
Les matières issues de la chimie raisonnée sont, en 2023, actuellement majoritaires sur le marché.
– La chimie verte concerne les composants issus de la biomasse, dont les déchets restants sont revalorisés comme engrais ou biocarburants. On y ajoute alors des nouveaux naturels enduits chimiquement transformés voire dans certains cas 100% issus de la biomasse.
Ananas Anam travaille les fibres des feuilles de la plante d’ananas. Piñatex® est une matière textile innovante et nouvelle génération, développée pour les marques de mode et de maroquinerie, alternative aux matériaux synthétiques. Une fois la fibre retirée de la feuille, la biomasse restante peut être utilisée en engrais naturel ou en biocarburant. Piñayarn® est un textile tissé créé en boucle fermée, zéro déchet, sans eau ni produits chimiques nocifs, naturellement respirant et biodégradable.
Bananatex® est l’homologue de Pinatex®, pour la banane. Il s’agit de la première matière technique durable fabriquée uniquement à partir de feuilles de bananiers Abacá, cultivés sans engrais, pesticide, ni apport d’eau supplémentaire, au sein d’un écosystème naturel d’agriculture et de foresterie mixtes dans les hautes terres des Philippines. Elle contribue au reboisement de zones altérées par la monoculture de palmeraie, renforce la biodiversité et la prospérité économique des agriculteurs.
Offrant des solutions hybrides, l’entreprise PYRATEX développe des textiles responsables avec des fibres naturelles (algues, maïs…) innovantes, régénératives ou recyclées, produites localement. La mission à terme est de remplacer les textiles synthétiques par des options naturelles et plus responsables. Les textiles conservent les propriétés naturelles des fibres, apportant des qualités fonctionnelles et techniques aux produits finis. Aucun composants actifs artificiel n’est ajouté. Les matières sont certifiées GOTS, GRS et OCS et certaines usines partenaires sont certifiées GOTS, ŒKO-TEX, Bluesign, FCS® ou PEFC®. Elles sont haut de gamme, entièrement tracées, produites en Espagne, en Italie, au Portugal et au Mexique. PYRATEX® a gagné la confiance de marques telles que Fiorucci, Pangaia, AZ Factory, Phillip Lim, Camper ou Asics.
Ananas Anam®
La biofabrication / les biofilaments
La biofabrication s’appuie sur le biomimétisme : elle reproduit les méthodes de Dame-Nature à partir d’ingrédients naturels, tels les micro-organismes comme les cultures de champignons chez Ecovative, entreprise pionnière dans la culture et le développement de matériaux en Mycélium™ ou filaments de champignons. L’entreprise possède une bibliothèque biologique internationale, cultive et amplifie des souches de champignons aux propriétés naturelles différentes, en puisant sa matière première dans les ressources de l’agriculture, habituellement considérées comme déchets. En résultent différents matériaux, textiles et packagings :
– AirMycelium®, un mycélium pur à 100 % cultivé dans des fermes verticales et disponible à grande échelle comme un textile alternatif aux matières animales et pétrochimiques ;
– MycoComposite®, alliage de fibres écologiques de chanvre et de filaments mycéliens pour produire des emballages biodégradables et des matériaux de construction.
– Forager™ est une matière textile équivalent peau, 100% végétale, présentant une résistance à la traction et aux déchirures.
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Ecovative®
Est-ce réellement plus vertueux et écologique ?
Les points positifs
Toute allégation environnementale au sujet d’une matière ou d’un produit doit désormais faire l’objet de preuves. Ainsi, l’impact de ces néo-matériaux doit être mesuré par une Analyse stricte du Cycle de Vie et comparé à quantité égale à une autre matière. Plusieurs argument sont en faveur de leurs vertus :
– Captation et stockage du carbone : les plantes convertissent le CO2 de l’atmosphère en biomasse grâce à la photosynthèse, alimentée par l’énergie solaire. Elles capturent et séquestrent le CO2 et le transforment en molécules de sucre à longue chaîne qui peuvent être utilisées à de multiples fins, y compris la biosynthèse de polymères textiles. Comme pour le bois, ces plantes coupées et transformées ne relarguent pas le carbone capté dans l’atmosphère.
– Gestion optimisée et valorisation des déchets : ces matières réemploient des déchets agricoles généralement voués au brûlage ou à l’enfouissement.
– Réduction et traçabilité sur les chaînes de valeurs de rangs 3 et 4 : ces matières sont bien souvent développées in situ, en circuits courts, sur les sites de collecte au sein d’un même pays, comme par exemple chez Ananas Anam aux Philippines ou Desserto® au Mexique. Cela réduit l’empreinte carbone liée aux transports et facilite la continuité de transmissions des informations en faveur d’une vraie traçabilité.
– Soutien et expansion économique locale : de fait, les néo-textiles contribuent au développement de l’emploi et d’une économie locale. Bananatex® a par exemple été développée par la marque suisse de sacs et d’innovation matière QWSTION, en collaboration avec un spécialiste du fil et partenaire tisserand basé à Taïwan.
– Des entrepreneur·e·s particulièrement engagé·e·s : “No fashion on a dead planet…”. Ces matières sont, dans la plupart des cas, à l’initiative de jeunes startups intrinsèquement motivées par le challenge représenté par le dérèglement climatique.
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Desserto®
Nuancer l’enthousiasme, les points à prendre en compte
Une économie partiellement circulaire
Le biosourcing, s’il réemploie réellement les matières premières considérées comme des déchets d’une première industrie, peut par définition s’inscrire dans une première étape d’économie circulaire. Cependant, pour compléter le cycle et réduire significativement leur impact, ils doivent aussi être au maximum biodégradables. On peut par exemple se baser sur le référentiel de la certification Cradle to Cradle® (C2C), comme Bananatex®, dont la matière est certifiée Cradle to Cradle® Gold.
Tous ces matériaux biosourcés ne sont pas biodégradables ou compostables. Un examen approfondi doit avoir lieu tout au long du cycle de vie pour évaluer l’impact de chaque matériau sur l’environnement. De plus, les matériaux biodégradables ou compostables ne sont pas toujours biosourcés, car la dégradation peut être basée sur la structure chimique d’un matériau et pas nécessairement sur sa composition organique.
Enfin, pour les biopolymères composites, la recyclabilité n’est pas encore une option, étant donnée la complexité à dissocier le PU ou le PVC des composants d’origine naturelle.
L’origine des matières premières dont les composants sont dérivés
Les matières premières doivent provenir et être gérées de manière responsable. En effet, remplacer l’intégralité de l’offre par des matières végétales peut comporter un risque de monoculture intensive, requérant engrais, pesticides, OGM et déforestation… On assisterait à un effet rebond.
L’équilibre repose sur la diversité de l’offre, précisément pondérée et variée, sur l’édition de février 2023 de Première Vision Paris.
Le pourcentage de composants plastiques contenu dans les matières mixtes
Dans sa stricte définition, un biotextile inclut tant un ratio 3% / 97% en faveur du plastique qu’une matière presque intégralement composée à 100% d’éléments naturels. Les détails de ce terme, comme tout autre dans la mode responsable, doivent être scrupuleusement étudiés et basés sur des faits scientifiques, comme une ACV, avant usage et plus encore avant communication au sujet d’un produit fini, qui serait présenté comme éco-responsable car biosourcé. Le greenwashing est partout.
L’énergie et les composants synthétiques requis pour la transformation
Si les efforts pour remplacer les matières pétrochimiques doivent être déployés à grande échelle, l’énergie – nerf des guerres économique et écologique actuelles – dépensée pour produire leurs substituts ne peut pas elle-même être très carbonée… A l’heure actuelle, le cycle de vie de nombreuses matières biosourcées additionne encore les émissions GES liées au charbon et au gaz, et à la part de plastique requis pour cultiver (intrants) ou stabiliser la plupart d’entre elles. La règle reste la même : réduire, réutiliser, recycler, avant de chercher à remplacer un ingrédient du même modèle économique linéaire…
Première Vision Paris®
Biosourcing textile, six start ups prometteuses qui proposent des matériaux nouvelle génération, à découvrir sur l’édition de Février 2023 de Première Vision Paris
- Ananas Anam, pionnière dans le développement de textiles naturels innovants à partir de feuilles d’ananas, Piñatex® et Piñayarn®.
- Bananatex, première matière technique durable fabriquée uniquement à partir de feuilles de bananiers Abacá, à Taïwan, certifiée Cradle to Cradle® Gold.
- PYRATEX, qui développe des textiles responsables avec des fibres innovantes naturelles, régénératives ou recyclées, en circuits courts en Espagne, en Italie, au Portugal et au Mexique.
- Desserto, proposant Desserto® et Deserttex®, deux biomatériaux végétaux nouvelle génération à base de nopal, un cactus cultivé au Mexique, qui contribue à la captation de CO2 atmosphérique.
- Ecovative, biofilaments cultivés et transformés sans composants additionnels synthétiques, en textile et supports de packaging.
Retrouvez ces startups sur l’espace exposant Smart de Première Vision Paris, les 7, 8 et 9 février 2023 au Parc des expositions de Villepinte
Première Vision Paris®
A propos de Première Vision Paris
Première Vision Paris est l’événement mondial des professionnels de la mode créative et éco-responsable.
Deux fois par an, Première Vision Paris combine rencontres d’affaires et inspiration et réunit les meilleures entreprises internationales proposant des matériaux et des services, des fils à la fabrication. Des exposants sélectionnés pour leur expertise, présentant leurs développements les plus créatifs. Un visitorat qualifié et international. Le décodage précoce des tendances et des couleurs avec une équipe dédiée à la mode. Un soutien unique pour guider la mode vers un avenir plus responsable, avec une gamme de solutions et de points forts en matière d’éco-responsabilité.
Smart Creation est une zone physique dédiée à la mode responsable qui regroupe – en février 2023 – 56 exposants de tous horizons représentant l’ensemble des métiers de la filière (fils, tissus, cuirs et accessoires). Entre procédés de fabrication innovants, nouvelles matières durables et services, Première Vision met en avant les fournisseurs les plus engagés sur le sujet. Cette édition, la zone s’étoffe avec une offre dédiée à la digitalisation de la filière : Smart Tech.
Pyratex®
Références
https://fashionunited.uk/news/fashion/what-are-bio-based-fibers-and-what-can-they-do/2021061455985
https://ecocult.com/bioplastics-eco-friendly-fashion/
https://www.lampoonmagazine.com/article/2021/06/15/evo-yarn-fulgar-bio-based-polymer/