Si de prime abord l’intention peut sembler louable, l’enseigne d’ultra fast fashion, reine des actions impunies, s’appuie sur une initiative au fort potentiel médiatique pour détourner l’attention quant au fond du problème : l’hyperproduction de vêtement très bas de gamme et la conquête des marchés des pays à faible pouvoir d’achat par une guerre des prix et des actions à l’apparence vertueuse. Décryptage.
Shein finance à hauteur de 15 M$ une ONG africaine
Shein a donné 15 M$ à une ONG africaine qui gère les conteneurs de vêtements occidentaux. Cette somme est censée participer à la structuration de la gestion des déchets textiles, alors que le pays en reçoit 160 tonnes par jour.
Adam Whinston, le responsable mondial ESG (Ecologie, Social, Governance) de SHEIN déclare [1] : « On utilisera les ressources pour étendre notre programme d’apprentissage de la sororité pour les jeunes femmes portant des ballots de vêtements de seconde main sur leur tête, pour incuber des entreprises communautaires transformant les déchets textiles en nouveaux produits, pour piloter des initiatives de transformation de la fibre avec des fabricants de textiles ghanéens »
Pourquoi c’est du green et social washing ? Pourquoi c’est grave ?
- La raison principale de la pollution textile, c’est la quantité de vêtements produits. [2] Or SHEIN produit 1 milliard de vêtements sur les 150 produits dans le monde chaque année.
- Le recyclage ou la gestion des déchets est un problème d’amont. En investissant pour la revalorisation textile, SHEIN se détourne de la question et verdit son image en prétendant apporter des solutions.
- Par ailleurs, les vêtements SHEIN sont de mauvaise qualité, en grande majorité composés de matières pétrochimiques. Ils n’ont aucune valeur en seconde main et ne sont pas recyclables. Ils finiront ainsi dans des décharges à ciel ouvert où ils pollueront les eaux, quels que soient les moyens sur place mis en œuvre pour nous faire penser le contraire. [3]
- 20 % de la pollution des eaux à l’échelle planétaire est causée par l’industrie textile [4]. À l’heure d’une restriction hydrique mondiale, c’est une hérésie.
Un préjudice pour l’économie locale
- Chaque semaine, 15 millions de vêtements arrivent au marché de Kantamanto en provenance des pays du Nord, décimant l’industrie textile locale.
- Des femmes et des jeunes filles sont exploitées pour transporter les énormes balles de déchets de vêtements, payées 3 dollars (2,40 £) par jour pour les porter sur la tête – risquant leur vie pour le faire. Ces balles de vêtements pèsent leur propre poids, il arrive que certaines meurent le cou brisé. Une autre serait tombée et aurait écrasé son bébé.
- Les fripes en Afrique se sont popularisées ces dernières années, alternative à la fast fashion neuve. Elles structurent une économie locale et ces petits commerçants locaux et contribuent à l’économie informelle. [3]. Or les géants comme SHEIN cherchent à conquérir aussi le marché africain avec des prix très bas et le soutien actif du gouvernement chinois. Cela fragilise l’économie du continent. Il est donc très hypocrite de la part de SHEIN de vouloir structurer cette activité.
Une approche hypocrite de la responsabilité sociale
- Enfin, côté social, SHEIN exploite ses employés qui travaillent sans relâche dans des conditions insalubres et avec des contrats précaires. La majorité sont des femmes jeunes et il n’est pas exclu que le coton utilisé soit en lien direct avec l’esclavagisme Ouïghour.
- Il paraît hypocrite de vouloir œuvrer pour un « apprentissage de la sororité pour les jeunes femmes » et relever de l’ingérence dogmatique dans un pays qui n’a pas besoin d’être éduqué par d’autres acteurs internationaux.
[3] Banque Mondiale
[5] https://www.vogue.co.uk/fashion/article/shein-the-or-foundation
[6] https://www-afrik21-africa.cdn.ampproject.org/c/s/www.afrik21.africa/ghana-shein-engage-15-m-pour-le-developpement-de-la-mode-durable-dici-a-2025/amp/
[7] https://comprendre.media/ghana-la-bm-accorde-150millions-pour-la-gestion-des-inondations/
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