Chaque année, le marketing met à l’honneur la communauté LGBT+ pendant 30 jours, et malheureusement pas un de plus. Qu’est-ce que cette visibilité fulgurante et éphémère apporte aux personnes concernées ? Derrière l’image de fête véhiculée par les publicités, les collections Pride pourraient-elle même être dangereuses pour les communautés LGBT+ ?
Les dangers du pinkwashing
Collections Pride : de quoi parle-t-on ?
Chaque année au mois de juin, la communauté LGBT+ orchestre une série d’événements et de campagnes de sensibilisation dans le but d’alerter sur sa situation et sur ses droits. Peu de causes sociales et politiques bénéficient d’une telle visibilité. Aujourd’hui, il est presque impossible de passer à côté du mois des fiertés.
À partir du 1er juin, les comptes Instagram comme les vitrines des marques de vêtements et de cosmétiques sont inondés d’arcs-en-ciel et de messages en soutien à la communauté. Des symboles qui malheureusement disparaissent aussi vite qu’ils sont arrivés. Pride Month a pris fin il y a tout juste un mois, et pourtant, il n’y a déjà plus aucune trace de l’arc-en-ciel dans la communication des marques.
Qui bénéficie vraiment de cette glorification ponctuelle ?
Que gagnent les personnes concernées à voir leurs combats utilisés à des fins marketing un mois par an ? La réponse n’est pas forcément évidente. La communauté LGBT+ s’inquiète de voir ce rendez-vous militant perdre son sens et devenir un festival de pinkwashing. Nombreuses sont les marques dont les collections Pride sonnent creux.
Adidas a, par exemple, été pointée du doigt par une partie de la communauté LGBT+ pour son soutien financier à la coupe du monde 2018 en Russie où sont appliquées des lois anti-LGBT+. Son concurrent Nike, qui sort également une collection Pride chaque année, s’est aussi fait remarquer pour des baskets “Pride” flanquées d’un triangle rose. Hormis cette collection capsule de mauvais goût, la marque n’est pas non plus connue pour apporter un soutien concret à la cause LGBT+.
Autre habituée des collections Pride, H&M fabrique ses produits arc-en-ciel en Chine, un pays où la loi est également discriminante pour les personnes LGBT+. De la part des marques, s’agit-il alors d’un soutien concret ou d’un soutien de façade au service d’une image de marque ?
Peu de résultats tangibles
Pour justifier leurs collections Pride, les marques affirment le plus souvent reverser tout ou partie de leurs bénéfices à des groupes de luttes contre les LGBTphobies. Sur le papier, la démarche est louable. Dans les faits, en France, les fonds récoltés grâce aux collections Pride ne permettent pas aux associations de lutte contre les LGBTphobies de changer remarquablement l’échelle de leurs actions.
Pour expliquer leurs démarches, les marques ont un autre argument : les collections Pride généreraient de la visibilité pour les personnes LGBT+. Les résultats ne sont évidemment pas quantifiables. Toutefois, force est de constater que la puissance des collections Pride dans le soft-power LGBT+ est toute relative. En 2020, l’association SOS Homophobie a reçu pas moins de 1815 témoignages d’agressions et de violence LGBTphobes. Un chiffre en hausse constante d’année en année.
La tentation du capitalisme rose pour financer les luttes crée des remous au sein de la communauté et des associations LGBT+. Les collections Pride en édition limitée et leur marketing de l’urgence induisent l’idée même qu’un soutien à la cause LGBT+ passe par un achat brandé aux couleurs de l’arc-en-ciel. Les personnes concernées souhaitent-elles vraiment porter la responsabilité d’une surproduction et d’une surconsommation, qui plus est sans réel impact sur leurs combats ?
Récupérer des causes sociales à des fins commerciales : une recette déjà bien ancienne
Les causes LGBT+ ne sont pas les premières à être instrumentalisées par le marketing. En dehors du mois de fierté, les consommateurs et les consommatrices sont toute l’année confronté·es au feminism washing et le social washing à grand coup de campagnes publicitaires. Cette année, à l’occasion de la journée internationale du droit des femmes, Monoprix présumait réaffirmer la liberté des femmes avec une collection de t-shirts imprimés de messages «Femme libre» et «Re-belle». Seulement 20 % des bénéfices de cette collection ont été reversés à la cause, via l’Institut Curie.
Le mieux reste de privilégier des marques queers toute l’année
Il n’est pas nécessaire d’attendre le mois de juin pour trouver des vêtements dédiés aux luttes contre les LGBTphobies. Plusieurs marques ouvertement queers assument ce combat toute l’année et revendiquent de ne pas se limiter au mois des fiertés : “Pendant des années, il n’était possible de revendiquer qui on était qu’un seul jour par an au moment de la marche des fiertés. La mode queer permet de se frayer une place dans l’espace public au quotidien.”, explique Clémence David, co-fondatrice de la marque queer Phéros.
SuperNana
Une réference dans le milieu queer, les fashion-activistes de Supernana proposent tout un vestiaire floqué d’insultes LGBTphobes pour permettre aux personnes visées de retourner le stigmate à assumer fièrement qui elles sont.
leftPhéros
La marque française Phéros joue, elle, la carte de la légèreté et de l’humour avec un vestiaire entièrement queer et feel good, à coup de broderies “Love” et “Vagintarienne”.
rightThe Phluid Project
Pionnière de la mode non-genrée, la marque américaine propose des basiques genderless et inclusifs engagés. Sa communication est entièrement pédagogique, pour informer contre la transphobie et les stéréotypes de genres.
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