Vivre nu est sûrement la meilleure manière de réduire l’empreinte carbone de nos dressings, mais bien que les hivers soient cléments, nous avons encore tous·tes besoin de nous habiller. Pour certain·e·s, la tâche est plus complexe que d’autres, en particulier au-delà du 42. C’est un vrai parcours du combattant, même chez les grands distributeurs de fast-fashion. Un constat d’autant plus aberrant qu’il s’agit de la grande majorité de la population française féminine. Lorsqu’il s’agit de mode responsable, l’offre est encore plus limitée. Heureusement, de plus en plus de marques éthiques prennent très au sérieux l’inclusivité. Petit retour sur l’histoire de la mode « plus size », ses enjeux et nos alternatives.
Trouver des vêtements responsables au-dessus du 44 : mission pas impossible mais complexe
Trouver des vêtements au-dessus du 44 est un vrai parcours du combattant pour de nombreuses personnes, notamment en France où la mode grande taille est encore considéré comme un marché de niche. C’est notamment ce que rapporte l’étude réalisée par le site The Body Optimist [référence en bas d’article], en 2018, qui recensait plusieurs données marquantes auprès de 4989 femmes : 80% des femmes qui s’habillent en taille 42 et plus se sentent discriminées par les marques de vêtements. Plus les sondées ont une taille grande, plus la proportion de vêtements achetés en ligne est importante, ce que confirme Juliette Katz dans une interview donnée à The Good Goods.
Les femmes qui portent des tailles 38/40 composent leur dressing via internet à 25%. Celles qui font du 50/52 sont contraintes à 50% d’avoir recours à l’achat en ligne pour trouver leur bonheur. Il y a donc une réelle dissonance entre l’offre disponible et une demande, qui ne cesse d’augmenter. Cette situation contraint un bon nombre de consommateur·rice·s à être encore dépendant·e·s de la fast-fashion. C’est notamment ce que développe Élise dans son podcast Assieds-toi, faut que je te parle. La jeune femme de 25 ans nous explique qu’il est dommage de devoir encore se tourner vers de grandes enseignes telles que KIABI ou encore H&M, qui ont saisi l’intérêt (financier) il y a des années de cela d’élargir leurs offres de tailles.
Un autre chiffre révélateur, 45% des femmes qui portent une taille 42 ou plus déclarent avoir fait face à des remarques sur leur poids en magasin, voire ressenti du mépris. Pourtant, elle compose bien 60% des clientes. Il y a donc un réel travail de déconstruction des préjugés assignés au vestiaire grande taille à réaliser.
La “Stout Fashion”, l’ancêtre américain de la mode ” plus size”
La mode grande taille a elle aussi une histoire. On fait remonter son apparition dans les années 1920 aux Etats-Unis. On cite souvent le créateur Lane Bryant comme étant le premier couturier à saisir l’intérêt d’un marché de l’habillement « plus size ». On appelait à l’époque les femmes aux formes généreuses “Stout Women” littéralement « femmes corpulentes », un terme passivement péjoratif à une époque où les corsets étaient encore la norme et la minceur un argument marketing déjà installé. Néanmoins, l’offre était encore limitée, peu abordable et surtout toujours placée dans les magasins dans des espaces éloignés des rayons « standards », l’injonction à la minceur faisant partie des premiers arguments marketing de ces produits, avec la présence de gaines et une présentation systématique de vertus amincissantes.
Au fil des décennies, les grandes enseignes abordables ont commencé à prendre également le pas, notamment au vu d’une augmentation significative de la corpulence moyenne des Américains au cours du XXe siècle. Au milieu des années 1910, 12,7 % de la population américaine totale était en surpoids. Dans les années 1970, plus de 30 % des femmes avaient un IMC supérieur à 30 et aujourd’hui, plus de 60 % des femmes états-uniennes sont considérées comme étant en surpoids, selon les recommandations de l’OMC.
La mode plus size, une réalité encore boudée
Aujourd’hui, bien que les grandes tailles soient présentes chez de grands distributeurs, ce sont surtout les pure-players et donc, la fast fashion qui ont réussi à donner accès aux tailles plus size à des modèles variés et surtout tendance, loin des clichés de la femme corpulente qui ne devrait porter que du noir ou des vêtements amples. C’est certainement plus simple quand on produit des vêtements de mauvaise qualité à des prix dérisoires.
Du côté des marques responsables, plusieurs obstacles empêchent une démocratisation des grandes tailles. Tout d’abord, ces marques ont un double challenge : produire mieux et durablement, tout en minimisant leurs dépenses, dans un secteur où le stress économique est peut-être fort quand on débute, non-rentabilité et absence de trésorerie au démarrage. Les marques de mode responsable sont ainsi sujettes à une forme de pénalité de vertueuse, limitant leur offre.
Aussi, on ne compte encore que très peu de formations de modélisme qui entraînent au patronage des grandes tailles, comme chez Studio Lausié. Hors c’est un pré-requis non négligeable : les collections “plus size” requièrent des compétences différentes en modélisme et patronnage, c’est doubler le travail requis par une collection pour une seule marque.
Enfin, une idée reçue subsiste sur les non-intérêts des personnes grosses à apprécier la mode responsable, le marché semble moins. attractif. En somme, c’est une forme de cercle vicieux qui ne pourra se dissoudre que si chaque acteur·rice prend enfin en considération une demande qui est déjà criante.
Les temps changent ?
La seconde main
Quand on ne peut déjà pas s’habiller dans tous les magasins, consommer responsable est encore plus complexe, en particulier dans l’hexagone. La France reste un des pays européens les plus « minces » (culte de la minceur française oblige), peu touché par le surpoids, devant les pays nordiques ou encore l’Italie.
Tout d’abord, des entrepreneur·e·s tentent de changer le regard sur la mode de seconde main « plus size », à l’image de La Grande Fripe, lancé par Noémie qui sélectionne de ses propres mains des pépites pour les revendre sur son site. On peut également citer Percentil, qui propose également un large choix de références, en seconde main au-delà du 44, toutes marques confondues. Pour nous, c’est la meilleure manière de trouver des vêtements de qualité, voire de créateur·ice·s, sans avoir à chiner tout un après-midi et repartir bredouille du fait du manque de variétés de tailles.
Les marques étrangères
Bien que nombreux·se·s soient les femmes et les hommes qui ne correspondent pas aux dogmes de minceur de la société française, les pays outre-Atlantique et outre-Rhin ont déjà une longueur d’avance. Si vous voulez vous investir à petite dose financière dans un dressing plus responsable, vous pouvez commencer par la seconde main. Cela réduira drastiquement votre empreinte carbone, mais également vos frais de port et de douane. Si la restriction du choix de l’offre entraîne un sentiment de frustration et de perte de temps, vous pouvez vous tourner vers des marques engagées.
La sélection des marques responsables inclusives
C.Bergamia, le retour du sur-mesure
Tant pour réduire la surproduction que faciliter le choix des tailles et se sentir bien dans ses vêtements, le sur-mesure est magique. On peut citer par exemple la marque durable C. Bergamia qui ‘a compris et produit des pantalons et shorts en matières écoresponsables, 100% personnalisables. On choisit la matière (le lin, la laine ou encore le coton), la forme des poches, les mensurations, du 32 au 46.
Napperon, la seine dans de beaux draps
Napperon est une marque de lingerie upcyclée à partir (vous l’aurez deviné) de napperons de nos grands-mères. Véritable militante pour une mode durable et inclusive, sa créatrice Julie joue autant sur la représention des corps que celle du genre, dans une communication décalée et pleine d’optimisme. Kimono, soutien-gorge, culottes… On choisit son napperon, on peut aussi communiquer sa taille via le formulaire de commande pour l’adapter à chaque corps.
CQFD, le vestiaire ultra chic en précommande
CQFD est une marque responsable fondée par Céline Bosquet. Cette griffe 100% digitale propose un vestiaire chic et intemporel, reposant sur le système de précommandes, afin de pouvoir réaliser des pièces qui correspondent à la morphologie de chaque fashionista. Loin du rythme effréné des collections des enseignes de luxe industriel, CQFD se concentre sur des pièces essentielles dans des matières d’exception, toutes produites en Europe, et faites pour être (re)portées pour longtemps. De la taille 34 à 56.
Le site CQFD
Verseau Paris
Verseau est une marque imaginée par Andrée, suédoise d’origine qui a constaté un réel manque d’offre de vêtements éthiques au-delà du 42. Elle a lancé sa marque avec pour but de faire cesser l’invisibilisation de la diversité des corps féminins dans la mode. Verseau a à cœur de réaliser des pièces ajustables, selon l’évolution de chaque corps, à l’image de cette robe portefeuille Lenzing EcoVero. De la taille 44 à 54.
Almé Paris
Si vous cherchez la combinaison de vos rêves, Almé Paris est un incontournable de la mode inclusive, qui propose en prime une large gamme made in France. Fondée par Emmanuelle Szere en 2017, la créatrice souhaitait changer le regard qu’on pose sur la mode « plus size ». Elle imagine des pièces modernes, en jouant sur les motifs, les couleurs et les volumes. Ces collections sont de véritables odes aux corps féminins. On adore particulièrement ses tenues festives, qui donnent envie de swinguer toute la nuit. De la taille 44 à 54.
Je Ne Sais Quoi
Je ne sais quoi c’est la jeune marque française lancée par Louise Aubery, plus communément connue en tant que MyBetterSelf, youtubeuse de renom. Ancienne addict de la fast fashion, elle progressivement saisi la nécessité de se tourner vers un modèle plus durable, en particulier pour la création de sa marque qui propose du homewear, de la lingerie ou encore des robes. Au-delà de l’engagement environnemental, Louise retranscrit son engagement contre les injonctions faites aux femmes, qu’elle partage notamment via ses contenus, avec une communication inclusive et des tailles disponibles du XS au XXXL.
LOOM
LOOM est une marque française militante qui sort des sentiers opaques et sinueux de l’industrie de la mode conventionnelle. Pas de pub, pas de promotion ni de saisonnalité. Les vêtements sont produits dans des matières et des coupes durables. Un grand choix de taille existe pour la majorité des pièces proposées : T-shirts, chemises en coton, jeans ou encore vestes de mi-saison. Pour la confection, LOOM travaille avec des partenaires en France et au Portugal. De la taille XS au 3XL.
Auria Paris
Auria Paris est une jeune marque française qui travaille en séries limitées. Lancée d’abord sur Ulule, elle propose des intemporels du vestiaire féminin : T-shirts à message, manteaux long, caracos aux couleurs pétillantes. La marque produit essentiellement en Europe et dans des matières responsables ou recyclées. Du 34 au 52.
Armedangels
Cette marque allemande ne se présente plus, Armedangels est un pilier de la mode responsable, qui ne lésine pas sur le choix de ces matières de grande qualité ou l’élégance du style des vêtements proposés, un vestiaire éclectique, avec des jeux de matières et des lignes minimalistes. Coup de cœur sur leurs pièces en maille ou encore la veste oversize qui donne une allure délicieusement nordique. Du XS au XXL.
Coton Vert
Cette marque rennaise et lyonnaise a fait son nom dans le monde de la mode responsable en proposant une large gamme de pièces intemporelles, en matières naturelles et certifiées, comme le coton bio. Fondée par Benjamin, l’objectif premier de la petite entreprise est de rendre la mode responsable accessible au plus grand nombre, via des tarifs abordables mais également des tailles inclusives. Une mission pas si évidente quand on a en face des géants faisant fortune avec du synthétique. Pull, chemise, marinière ou encore sweat-shirt, impossible de pas trouver son bonheur. De la taille XS à 3XL.
Make My Lemonade
Make My Lemonade est la marque de la fameuse créatrice du blog éponyme de mode et DIY, Lisa Gachet. Depuis 2015, la marque parisienne fait la part aux belles matières et visuels funky, qui rendent le mode responsable espiègle et fun. Lisa avait créé cette marque d’emblée pour tous les corps. Nous sommes fans de MML qui joue toujours avec des codes vintage, particulièrement 70’s, réinterprétés dans des coupes modernes. De plus, le concept de la maison est original : on peut soit commander directement sa pièce sur le site, soit choisir un patron à faire chez soi, grâce au kit de couture.
LOUD BODIES
Loud Bodies est une marque Roumaine fondée par Patricia Luiza Blaj. Basée à Cluj Napoja, la créatrice compose des collections qui s’adaptent à une large variété de morphologies, sans oublier d’y insuffler un vent de tendances. La créatrice souhaite faire en sorte que les spécificités physiques de chacune ne soient jamais un frein pour passer à une mode plus éthique. On adore ces ensembles en velours qui donnent de l’allure tout en gardant un coté comfy et élégant. Du XXS au 10XL.
Reformation
On ne présente plus cette marque californienne qui réunit toutes les coupes et pièces iconiques des fashionistas. Reformation est sûrement la marque la plus fiable lorsqu’il s’agit de se trouver une pièce durable et surtout une proposition de taille large. Plusieurs écueils néanmoins : la marque est basée aux Etats-Unis et les prix sont assez élevés. On vous conseille de vous la procurer sur une plateforme de seconde main, comme REESEE, Vinted ou encore Vestiaire Collective, ou encore grâce à une application comme OneSecond. Jusqu’au 56.
Les marques haut de gamme et luxe
Mara Hoffman
Mara Hoffman est une marque de luxe newyorkaise, née au tournant de l’an 2000. Depuis une vingtaine d’année, la marque concentre sa créativité dans la composition de collections aux coupes et couleurs sophistiquées. Elle est notamment connue pour ses robes « pop-corn » tout en s’engageant dans une démarche de production responsable et une communication inclusive. Craquage sur cette robe au doux nom de Leonara ! Une forme minimaliste et des manches large ouvertes sur les épaules vous ferons passer pour la « drama queen » de la soirée. Ces créations représentent un coût qui n’est pas à la portée de tous·tes. On vous recommande alors d’aller du coté de revendeurs en ligne comme Vestiaire Collective, mais aussi de relativiser les coûts d’achat VS usage ! Du XXS AU 3XL.
Ester Manas
Ester Manas est la nouvelle coqueluche de la scène parisienne. Elle dénote par ses créations qui mettent valeur tous les corps grâce à des techniques de pliage. Ce procédé les sublime, qu’importe leur évolution au fil du temps. La marque n’a besoin que d’un seul prototype pour ses créations, adapté à toutes les morphologies. Production en Europe. En taille unique ou inclusive.
Nansy Dojaka
Nansy Dojaka est la grande finaliste du Prix LVMH Jeunes Créateurs 2021. Basée à Londres, la créatrice est devenue la nouvelle favorite des it-girls lookées qui sont séduites par son vestiaire minimaliste qui laisse entrevoir la peau, avec un soupçon de romantisme et de sensualité. Cette dernière s’inspire notamment de l’ambiguïté entre vêtement et lingerie, pour qui ne fassent plus qu’un et mette à l’honneur les courbes des corps de chacun·e.
Références
- https://fashionhistory.fitnyc.edu/stout-fashion/
- https://www.ma-grande-taille.com/enquete-mode-francaises-2018
- https://www.sloweare.com/grandes-tailles-et-mode-ethique-une-equation-vraiment-impossible/
- https://www.ma-grande-taille.com/enquete-mode-francaises-2018
- https://www.bfmtv.com/international/europe/les-francais-sont-les-plus-minces-d-europe_AN-201102040011.html
- https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03612112.2017.1300474?journalCode=ydre20
- Sondage réalisé en ligne du 11 au 26 octobre 2018 auprès de 4 989 femmes faisant une taille 38 et plus.