Les grands noms du sport switchent. Sous l’impulsion des petites marques engagées qui grattent des parts de marchés, le swoosh travaille son inclusivité, Timberland s’engage pour des villes plus vertes et la basket s’intéresse aux alternatives au cuir et au polyuréthane. On se penche ici sur le cas du Coq Sportif qui sort, à l’occasion de la journée mondiale de la Trisomie 21, la première série limitée de son modèle Terra, créée avec et pour Café Joyeux. Quel est le but de la marque ? Que faudrait-il à cette collab pour être vraiment exemplaire (selon notre humble avis) ?
Une sneaker solidaire et engagée pour un moindre impact environnemental
Volet environnemental
Terra est une basket conçue à partir de matières alternatives au cuir. Elle est composée d’une association de biopolymères (des ressources renouvelables végétales comme ici le marc de raisin) mélangés à du polyturéthane. Ces ressources végétales proviennent de résidus de l’industrie agro-alimentaire. La semelle intérieure en liège et latex naturel. La marque a souhaité un circuit de production plus court qu’à l’habituel, les chaussures sont fabriquées au Portugal.
Volet social
Le parti pris du Coq Sportif est celui de l’inclusivité et de la visibilisation des personnes en situation de handicap, dans le cas de Terra, souffrant de Trisomie 21. Les baskets sont tricolores et les deux pieds sont différents : à l’extérieur du pied, le logo du Coq Sportif est en jaune d’un côté, noir de l’autre, un symbole et un message : les différences coexistent et s’enrichissent (tel que nous le percevons). A l’intérieur du pied, c’est la « tête de Théo », mascotte des cafés-restaurants Café Joyeux qui emploie ces personnes. Depuis 2017, à Rennes, puis à Paris et Bordeaux, Café Joyeux emploie et forme des personnes en situation de handicap mental et cognitif, pour la plupart atteintes de trisomie 21 ou d’autisme.
Volet communication / marketing
Le lancement du modèle se fait à l’aide d’un shooting en collaboration entre des salariés de Café Joyeux et des athlètes du Coq Sportif, tout le monde est mis à l’honneur dans des visuels plutôt chaleureux. Charlotte Fairbank, championne de tennis- fauteuil, Lauren Rembi, escrimeuse de haut- niveau et Marine Boyer, gymnaste multi-primée, posent côtés de ces nouveaux professionnels de la restauration.
Pour la distribution : la basket est produite en édition limitée sur le site du Coq Sportif et sur celui de La Redoute, à raison de 80 paires enfants (65 €) et 220 paires adultes (120€)
Que manque t’il à la Terra Joyeuse Le Coq Sportif pour être exemplaire ?
Volet environnemental
- L’utilisation de biopolymères démontre un effort réel pour trouver une alternative sans matière animale au cuir. Ces matériaux sont encore coûteux et peu disponibles. Cependant, ils présentent plusieurs limites : ils requièrent une quantité variable de complément par des matières d’origine pétrochimique, comme le polyuréthane, donc on ne connaît ici ni le pourcentage ni l’origine primo-extraite (la grande majorité des cas) ou recyclée.
Par ailleurs, les biopolymères ne sont pas encore recyclables, et leur durée de vie est inférieure au cuir. Enfin, on ne connaît pas l’origine du liège dont la valeur “éco-responsable” est aujourd’hui controversée selon l’exploitation et peut contenir du plastique. - Le “circuit court” désignant le Portugal est relatif et laisse entendre que le reste de la production Le Coq Sportif est délocalisé bien plus loin. Par ailleurs, il est démontré que le transport en train de marchandises produites au Vietnam est moins impactant qu’un convoi par voie routière depuis le Portugal.
Volet social
L’effort d’inclusion est réel, cependant à nos yeux il arrive un peu tard dans la collaboration. Utiliser l ‘image de personnes atteintes de handicap est en effet une visibilisation mais pas – selon nous – une réelle inclusion. Pour inclure et normaliser l’existence de ces personnes dans nos quotidiens, il faut leur donner une place de pouvoir : décisionnaire. L’idéal serait de co-dessiner, co-fabriquer et co-décider des modalités de lancement de cette basket… Et de l’ensemble des produits Le Coq Sportif. Inclure avec des quotas de discrimination positives des personnes représentatives de chaque minorités au sein de nos entreprises et leur donner la possibilité de s’ériger en nouveaux modèles de carrière, de succès, afin que dans l’imaginaire commun il ne soit plus exceptionnel de voir réussir une personne en situation de handicap dans la vie professionnelle. Le chemin est long et c’est un beau début, Le Coq Sportif a d’ailleurs annoncé dans son communiqué de presse prévoir des étapes secondaires telles que la co-création de modèles uniques avec cette même équipe.
Volet communication
- La faible quantité + l’association à une cause et une journée thématisée, une mise en image explicite… L’ensemble joue en faveur d’une opération marketing qui -si elle n’est pas dénuée de bonnes intentions de la marque- semble chercher à faire valoir une image et booster sa visibilité.
- La quantité très limitée du produit laisse présager de l’infime pourcentage représenté par une production plus vertueuse, écologique et engagée pour l’inclusion. On aimerait que la marque présente cette opération comme un test pour produire et proposer à plus grande échelle de temps et de production.
- Ce qu’on aurait adoré, c’est qu’au delà des images, les employé·es prennent la parole ! Quel avis ont iels sur la marque ? Quel a été leur rôle ? Comment ont-iels vécu cette expérience ? Se sentent-ils représenté·es et considéré·es en tant qu’être humains au delà de personnes en situation de handicap ? A garder en tête pour la prochaine collab.
Les choses bougent… Cette campagne et cette collab’ n’auraient pas pu exister il y a quelques années. Saluer les efforts des marques ne doit pas nous empêcher de rester critique pour mieux les guider. On a besoin de tout le monde dans cette transition, surtout des avis citoyens ! N’hésitez pas à nous donner le votre dans les commentaires !