Le Cuir Vegan est un terme erroné. Il englobe aujourd’hui de multiples matières textiles qui ne peuvent être regroupées en une seule entité. Ces matières ne possèdent pas les propriétés du cuir, ne garantissent malheureusement pas toujours l’absence de souffrance des autres espèces, ni un produit écologiquement vertueux. De très belles alternatives au cuir existent et doivent se faire une place, pas en substitut mais en néo-matière à part entière. Définitions et réalités d’une appellation qui prête à confusion et mène à une conclusion habituelle : s’informer reste la règle.
Définition du cuir et des alternatives végétales
En France, le cuir est un terme déposé, son utilisation est encadrée depuis janvier 2010 par un décret qui le définit comme « La matière issue de la peau animale, transformée pour être rendue imputrescible ». Elle peut-être issue des bovins, ovins, caprins, porcins, équidés, reptiles, poissons et oiseaux.
Depuis les années 70, avènement des manifestations publiques en faveur du droit animal menées notamment par Peter Singer, les mouvements de masse se sont multipliés. À raison pour la plupart, dénonçant des situations aberrantes et des déviances (tests sur les animaux pour les produits cosmétiques et d’entretien, maltraitance en élevage, conditions d’abattage terribles etc), à tort pour certaines, notamment dans la mode. La mouvance vegan est passée d’un boycott de consommation à une fabrication dédiée, puis un gigantesque business dans lequel l’appellation vegan est très souvent autoproclamée. Ainsi la confusion est semée : le Cuir Vegan est un terme usurpé. Il ne définit aucune entité textile précise, le consommateur fait rapidement l’amalgame entre véganisme et écologie qui ne vont pourtant pas systématiquement de pair, et la filière française du cuir déplore l’usage une formulation erronée qui dévalorise un savoir-faire séculaire protégé par décret (1).
Soyons factuels : à l’issue de cet article, comme pour la fourrure VS fausse fourrure, la seule recommandation sera de cesser d’employer une appellation non appropriée qui prête à confusion. Puis à vous de demander l’information auprès des marques et de choisir ce qui fera selon votre éthique l’achat le plus durable.
Réflexion intéressante sur Ref29 : cuir, faut-il choisir entre durable et éthique ?
Les dérives de l’appellation “Cuir vegan”
La confusion des noms
- Le cuir : “Matière issue de la peau animale, transformée pour être rendue imputrescible”, si l’on se réfère à la définition du officielle du Conseil National du Cuir, on comprend pourquoi le Cuir Vegan ne peut pas exister. Cela reviendrait à créer du “Polyester naturel” ou de la “Laine de chat”…
- Le véganisme : « vegan » en anglais désigne un mouvement militant et relativement politique de protection et de défense des droits des animaux. Les personnes vegan refusent toute forme d’exploitation des animaux et s’interdisent la consommation de produits d’origine animale dans l’alimentation (viande, poisson, lait, œufs, miel, etc.), les cosmétiques (cire d’abeille, etc.) ou la mode (laine, cuir, soie, etc.). Le véganisme est un mode de vie.
- Le cuir végétal : ce terme est également strictement défini. Il désigne l’une des formes les plus anciennes de transformation du cuir à l’aide de tannins végétaux (notamment sans sels de chrome). Ainsi le tannage végétal confère au cuir des propriétés d’épaisseur, de souplesse et de densité mais également une gamme de coloris naturels limitée.
Mix and UN-match : le Cuir Vegan peut difficilement être un savant mélange des trois.
Le problème du plastique
Surfant sur la tendance de la mode vegan, de nombreuses marques ont répondu à la demande des consommateurs vegan par des collections en matières synthétiques issues de la pétrochimie, c’est à dire composées de plastique (Poly Vinyl Chloride – PVC), plus connues sous les noms de skaï, similicuir. Ces matériaux sont en effet, théoriquement vegan : ils ne sont pas à l’origine d’une souffrance animale directe.
Cependant, si la volonté de consommer des alternatives végétales au cuir est légitime, le client vegan ne doit pas s’arrêter à une simple appellation dans son raisonnement d’achat. La production de plastique est responsable de forages destructeurs, de procédés d’extraction et de transformation très énergivores et aboutissant à des produits de durée de vie courte, qui ne sont ni biodégradables ni recyclables. In fine, le réchauffement climatique qui détruit nos éco-systèmes est également responsable d’une souffrance globale des espèces animales.
Le PVC a été décrit par Greenpeace (1) comme étant le plus délétère des plastiques pour l’environnement. Le PU (polyuréthane) est aussi une matière synthétique contenant des substances cancérigènes et mutagènes pour le système immunitaire jusqu’ici sous-évaluées (3). Côté environnement, tous les PU ne se valent pas. Ceux fabriqués en Europe sont par exemple soumis à la réglementation REACH (3) qui traite de l’utilisation et de l’élimination des produits chimiques.
Obtenir ces informations lors d’un achat, c’est complexe et chronophage. Ces termes (PU, Norme REACH, etc) sont pourtant strictement définis et correspondent à des caractéristiques textiles concrètes, contrairement au Cuir Vegan, auquel il est donc impossible de se référer.
Ces nouvelles matières sont de nouveaux motifs d’hyperconsommation
Le terme de Cuir Vegan a été utilisé pour anoblir auprès des consommateurs une matière de faible qualité. Les marques ont démultiplié leurs offres, profitant moins d’un éveil massif des consciences écologiques que d’une viralité sur les réseaux, notamment après le lancement de la marque de chaussures vegan de Nathalie Portman, les it-bags affolants de Stella Mc Cartney et les pièces de fake-fur / fake-leather exposées sur les podiums. Or, si les grandes maisons comme Stella Mc Cartney s’attachent à utiliser du plastique recyclé, les enseignes de fast-fashion qui les copient d’emblée ont un rationnel économique, non écologique : elles produisent le moins cher et le plus rapidement possible, des produits voués à être rapidement consommés et oubliés au fond d’un placard après quelques usages, constamment remplacés par de nouveaux achats.
Quelles sont les alternatives végétales et non végétales au cuir ?
Tout l’enjeu pour les marques est de produire des alternatives non pas en opposition mais en complémentarité de l’offre existante. Ces alternatives doivent à la fois, idéalement, être éco-conçues, durables dans le temps et posséder des propriétés de qualité équivalente. Attention, la nuance est grande. Quand on parle de qualité équivalente, il s’agit d’attraction esthétique, de plaisir au toucher, de résistance au temps. La dérive des simili- et autres Cuir Vegan vient du fait que l’on tente -en vain- de répliquer une matière dont les propriétés sont uniques.
C’est un peu comme proposer un pavé de soja en remplacement d’une côte de bœuf : ça n’en a ni l’attrait ni la saveur. C’est un autre produit. Par ailleurs, aucun végétarien convaincu (je parle en connaissance de cause) n’a envie de manger un sauté-veau-like aux protéines de blé texturées. Là encore, il faut des alternatives : construire un autre récit, un tout autre produit qui existe de lui-même, non pas parce qu’il fait illusion.
Les matières plastiques
De première-main… Comme la fausse fourure, les simili- / Skaï et leather-like en matières synthétiques neuves sont à éviter+++.
Les matières recyclées
Plusieurs alternatives existent, telles l’Éco-Alter-Nappa ou Eco Nylon durable composé de fils recyclés.
Certaines marques revalorisent le PU, comme Frumat ou Vegea, d’autres travaillent à un PU biosourcé.
Certaines matières sont à la frontière de l’upcycling, telles des chambres à air dans les ceintures La Vie Est Belt ou les bâches de camions reconditionnées chez Freitag.
Le cuir reconditionné
Une néo-matière appelée Recyc’Leather qui consiste à émietter des chutes de cuir industrielles (donc éviter les pertes) et à recréer un textile pour de la maroquinerie, des emballages et des chaussures après amalgame avec environ 20% de latex (rien n’est parfait mais on y tend).
Les matières végétales
De nombreuses marques ouvrent des pôles de Recherche & Développement sur le sujet ou font appel à des startups qui s’y attelent.
Attention cependant, aucune n’est 100% éco-conçue pour l’instant. Toutes nécessitent entre 5 et 50% de polyuréthane, mais c’est un beau début. Les limites de ces alternatives sont discutées ci-dessous. À titres d’exemples :
– Les alter-cuirs issus de déchets de fruit : le raisin chez Vegea (50% de PU), la mangue, la fibre d’ananas (Piñatex), les céréales, la pomme etc.
– Les alter-cuirs de champignons et bactériens, les élastomères qui sont des composés artificiels cellulosiques (des matières naturelles artificiellement transformées).
– Le cork… (véto stylistique mais a le mérite d’exister) : à partir de liège.
Quelles sont leurs limites ?
Il n’a pas de solution simple globale. En dépit de leur bruit sur les réseaux sociaux, les initiatives sont encore peu nombreuses et bien souvent au stade de recherche et développement.
- Ces matières ne sont pas toujours désirables et ne peuvent satisfaire pleinement un consommateur qui s’attend à percevoir le toucher, l’aspect voluptueux ou la profondeur cuir, notamment dans le luxe. Un tort encore causé par un terme inadéquat. La sensation d’une matière « bon marché » freine les grande maisons à passer le pas et proposer de nouvelles matières.
- Elles ne vieillissent pas comme le cuir, pour certaines, elles ont tendance à fendiller ou peler. Par ailleurs, certaines ne durent pas dans le temps autant que le cuir, premièrement du fait de leur composition (qu’elles soient faites à partir de fibres naturelles ou synthétiques), deuxièmement parce que nous n’avons pas le recul nécessaire pour nous prononcer sur la longévité de leur aspect et de leur solidité.
- Elles ne sont pas toujours éco-conçues, notamment lors de la teinture et l’ennoblissement des matières qui sont encore eux-aussi issus de la pétrochimie. Néanmoins, beaucoup de jeunes marques communiquent en transparence sur les marges de progression restantes, telles Pinatex qui confirme que 5% des composants restent non bio-sourcés mais que c’est leur plus grand défi actuel.
- Elles ne sont pas encore distribuées à grande échelle, faute de moyens dispensés par les grandes marques pour les développer, les solutions sont encore peu nombreuses sur le marché.
Le point positif indéniable : tout est à inventer ! De nombreuses structures travaillent au développement de ces matières du futur, de la startups aux grands fournisseurs textiles, et on se réjouit de vous présenter des produits finis, bien conçus et durables, dans la sélection ci-dessous afin que vous vous fassiez une idée du futur de votre seconde-peau végétale !
Finalement, que consommer ?
- Il s’agit de changer de paradigme : le Cuir Vegan n’est pas du cuir. C’est une autre gamme textile, qui renferme elle-même de fantastiques options végétales, bactériennes, recyclées, en cours de développement ou de perfectionnement. La première des choses à faire est donc de ne pas s’attendre à une sensation similaire !
- Cherchez ensuite vers la seconde-main. Cuir ou plastique, le moins impactant sera toujours d’utiliser ce qui a déjà été produit.
- Si vous achetez neuf, demandez-vous ce qui fait sens pour votre sens éthique et esthétique : est-ce que la cruauté animale l’emporte sur l’environnement ? Si oui, un PU de qualité, si possible recyclé ou une alternative végétale comme le Piñatex sont la bonne option. Si vous avez une garde-robe capsule ou que vous n’achetez que peu de vêtements, optez pour un produit (par exemple un blouson) en cuir bien fait ou en alter-cuir de céréales comme chez Poétique. Si vous êtes plus joueur, allez vers le cork (vous n’avez pas ma bénédiction esthétique, mais la planète vous le rendra).
- Enfin la #rengaineéternelle : demandez-vous si oui ou non cette pièce est nécessaire à votre dressing. La manière la plus écologique et respecteuse de consommer, c’est de ne pas le faire… Si la réponse est oui, indispensable et sans appel, alors le moindre des PVC est plus écolo s’il est aimé/porté/entretenu pendant 20 ans que les 3 paires de chaussures en matières végétales achetées par votre conscience mais que votre look n’assumera pas.
Végé ou carni, en mode comme dans l’assiette : s’interroger et choisir en conscience. Bien souvent penser par et pour soi-même, c’est rendre un service à l’ensemble de cette petite planète.
Juste merci. D’avoir réuni et faciliter l’accès à ses informations.
Merci Delphine ! Ravi·es d’aider ! On a sorti un podcast récent dédié à cette question si vous voulez l’explorer davantage :). Ce genre de message nous donne un vrai coup de boost !
C’est complètement faux sur ce que vous raconter sur le veganisme . renseignez vous mieux avant d’écrire des articles pareils.
Bonjour Catherine, merci our votre commentaire. Parlons-en ?