La covid-19 a mis en exergue les limites du système-mode. Face à l’urgence de la relance économique, on est en droit de se demander si les engagements en faveur d’un développement durable ne sont pas le cadet des soucis des marques.
Contre toute attente, la réponse est négative. La transition profonde engagée depuis plusieurs années par les jeunes marques semble avoir enfin touché à cœur le luxe et les marques du calendrier officiel : celles qui défilent sur les podiums des Fashion Weeks. Panorama.
Vidéos, montages 3D, showrooms en ligne, les marques et agences de relations-presse auront mis en œuvre tout leur savoir-faire pour proposer une alternative crédible aux semaines de la mode, impossibles en raison des mesures sanitaires liées à la COVID-19. Des présentations souvent léchées qui se substituent aux pièces physiques pour offrir une autre approche aux collections, des communiqués de presse qui se disputent notre attention.
Capsules green, matières peu gourmandes en eau, patrons zéro-chute : la mode de pointe prendrait-elle enfin le tournant éco-responsable ?
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Les marques qui défilent se mettent au vert
Simon Porte Jacquemus avait été un des premiers, en février dernier, à ouvrir la discussion sur l’importance de réfléchir le sens du métier de créateur de mode face à l’urgence écologique. Sa ligne, présentée à La Défense était en majeure partie faite de lin aux couleurs sages. Cette matière – très peu gourmande en eau et dont 85% de la production mondiale est située en Europe – apparait aujourd’hui comme une des fibres phare de la transition écologique.
Si de nombreuses marques, comme Andrea Crews, Kevin Germanier ou Marine Serre, défendent depuis leur création une mode durable, le luxe et notamment les marques établies, avait encore du mal à défendre ouvertement ces valeurs et à réellement commencer leur transition vers un mode de production éthique.
En juin 2020, la marque italienne Gucci, qui se positionne, sous la commande de Alessandro Michele, comme une des plus avant-garde du moment, lance sa première collection écoresponsable. Off the grid se présente comme une ligne « genderless » et utilise des matières recyclées ou biologiques. La capsule se développe dans le cadre du projet « circular lines » visant à introduire plus de circularité et de réemploi dans la chaîne de production de la griffe italienne. Une initiative assez inédite pour une marque de cette envergure.
D’autres marques de mode comme Y/Project et Sankuanz affichent leur volonté de transition. Chez Y/Project, Glenn Martens lance Evergreen, reprenant des pièces historiques de la marque et les produisant de « la manière la plus éthique et durable possible ». Le label explique dans une lettre adressée aux journalistes et acheteurs vouloir limiter au maximum ses émissions carbone. Même constat chez la chinoise Sankuanz : le fondateur Shangguan Zhe propose la ligne ZÉ by Sankuanz, une marque lifestyle durable qui rejoint le mouvement « 1% for the planet ». La marque utilise notamment des lasers de découpes permettant de minimiser les pertes textiles ou de réutiliser les chutes pour d’autres pièces. Arriveront-elles à transformer un coup de projecteur médiatique en performances économiques ?
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Le temps de la réflexion est terminé.
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Les jeunes pousses Couture ont l’ADN responsable
Sur le salon Sphère, organisé chaque saison par la Fédération de la Haute Couture au Palais de Tokyo, sont présentées les marques encore trop jeunes pour entrer au calendrier officiel, mais considérées comme étant les prochaines sur la liste.
En février 2020, la sélection était déjà imprégnée d’un ADN profondément éco-responsable. Les marques exposées s’imposent à la fois par l’affirmation de valeurs fortes mais aussi par leur volonté d’agir pour une mode nouvelle. Le collectif GAMUT, présent depuis plusieurs saisons, réfléchit à l’industrialisation du principe d’upcycling qui fonde ses collections et milite à travers des campagnes de communication choc. C’est aussi le cas de Germanier qui fonde sa marque, elle aussi upcyclée, sur l’emploi de vêtements défectueux.
Boramy Viguier, Germanier, GAMUT ou encore Mansour Martin, la sélection de cette année ne raconte donc qu’une chose : le temps de la réflexion est terminé. Pour se construire et être viable, une marque ne peut aujourd’hui qu’être responsable.
C’est ce qu’explique Martin Liesnard, fondateur de la jeune marque Mansour Martin. « Pour nous la question ne s’est même pas posée, prendre en compte les exigences de durabilité était une évidence ». C’est donc bien cette idée qui ressort aujourd’hui, et c’est tant mieux : les marques prennent naturellement en compte ces exigences qui n’en sont plus. « Il existe des multitudes de solutions éco-responsables émergentes. Des startups en France et en Espagne. Des ressources naturelles en Italie et en Angleterre ».
Les jeunes marques sont donc encore une fois pionnières. Il est bon de voir que les institutions considèrent la responsabilité environnementale et l’éthique comme critères majeurs de sélection des futures marques stars.
Si les grandes marques de luxe mettent, elles, plus de temps à arriver, c’est aussi car leur modèle de fonctionnement est figé dans un autre temps, moins flexible et doit être repensé de A à Z. Les moyens humains et techniques disponibles en France et en Europe rendrons la transition possible dans le temps imparti par le changement climatique.
« Tout le monde a pris conscience de l’enjeu de l’éco-conception, chacun à son échelle. Chacun avec ses moyens », souligne Martin Liesnard. Une conclusion optimiste à cet article.