Il n’y a pas de miracle : pour avoir de bons vêtements, il faut investir un minimum. Pour développer son propre style ou par soucis écologique, mieux vaut dépenser son argent dans une pièce qui va durer. On a introduit le sujet en proposant une sélection de marques d’entrée de gamme parmi nos recommandations. Dans cet article, pas de de sélection mais… du travail ! L’éthique est plutôt une affaire de déconsommation. Pas de panique, il s’agit d’aller du moins vers le mieux (comme chez nos copains). Mieux être, mieux aller, mieux faire à travers ses vêtements. On vous propose deux étapes : optimiser ce que vous avez & travailler votre créativité.
Optimiser ce qu’on possède
Exploiter au maximum le potentiel de son dressing
Make the most out of it.
Être un consommateur responsable, c’est exploiter au maximum ce qu’il y a dans son dressing. Parce que l’achat le plus éthique, c’est celui qu’on ne fait pas. On sait maintenant que les pièces de fast fashion sont conservées moins d’un an en moyenne et que le nombre de fois où l’on porte un vêtement a chuté de 36% au cours des 15 dernières années. On gaspille donc aussi bien de l’argent que des ressources. Si on prolonge la durée de vie moyenne des vêtements de trois mois, on réduit de 5 à 10% son empreinte carbone et de 20-30% si l’on étend cette durée à 9 mois (1,2).
Le tri
En premier lieu : considérer le contenu de son placard
Il faut pour cela commencer par rassembler l’intégralité de ses affaires : Été, hiver, accessoires, vêtements de sports, ceux qu’on garde dans des boites, sous blisters ou encore au fond du placard, puis former un grand tas au milieu d’une pièce. Il s’agit de la première phase de la méthode KonMari (3) du rangement [Digression : nous allons prochainement revenir sur les limites du minimalisme qui n’est pas une panacée écologique. Re-passez prendre un café par ici.]. De là, on peut contempler efficacement et souvent avec stupeur la masse de choses accumulées et celle de vêtements inutilisés. Statistiquement, ils représentent 70% de ceux que vous possédez. C’est effrayant mais vrai.
La méthode KonMari invite ensuite à faire un tri sincère et efficace de ses vêtements, en les prenant un par un dans les mains pour déterminer s’ils sont une source de joie. Si cela semble étrange initialement, on se prête rapidement au jeu. On réalise alors que les autres raisons de garder un vêtement peuvent ne pas être légitimes : “Je le garde au cas où ça soit à nouveau tendance”, “Au cas où mon poids se modifie”, “Au cas où j’ai une occasion exceptionnelle” ou encore “Je ne peux pas m’en séparer parce que c’est un cadeau”. Autant d’éléments qui prennent de la place dans votre placard mais aussi cerveau au moment de vous habiller le matin, alors qu’ils ne vous correspondent plus. Ils sont à l’origine du “Je n’ai rien à me mettre” quand le dressing déborde, sous entendu “Il n’y a rien qui m’aille“.
Cette étape est capitale.
Faire ensuite trois piles de vêtements
- Pile 1 : ceux qu’il faut donner (Réécouter l’épisode du Sapping avec Adèle Rinck d’Eco TLC pour tout savoir sur le tri des vêtements)
- Pile 2 : ceux que vous gardez en l’état
- Pile 3 : ceux qu’il faut transformer pour pouvoir les porter. Soit parce qu’ils sont troués ou tâchés, soit parce qu’il faut en ajuster la taille, soit parce qu’ils ne correspondent plus tout à fait à votre style mais qu’on peut les rafraîchir.
Penser circulaire : ré-émploi, réparation, re/upcyclage
Faites en sorte qu’un vêtement conçu pour aller à tout le monde sans aller vraiment à personne (littéralement le prêt-à-porter), devienne votre vêtement.
Intéressons-nous maintenant à la pile 3. Ce sont les vêtements que vous aimez réellement mais que vous avez délaissé parce qu’ils nécessitent une transformation pour pouvoir être portés : ajustement, réparation ou la customisation.
- Si vous n’avez pas de bases de couture, on a une solution prête à l’emploi pour vous : Tilli (4), un service de retouche à domicile qui fédère les couturiers de quartier. L’appli permet de prendre rendez-vous directement chez soi, le retoucheur se déplace et définit avec vous les modifications ou la transformation totale du vêtement qui vous est ensuite renvoyé à domicile. Cela fonctionne dans toutes les villes. Si vous prévoyez de vous y mettre, voici 10 inspirations Youtube pour vous aider. L’ajustement peut-être très simple : reprendre un centimètre de tour de taille, déplacer un ourlet, rehausser un col. L’idée est de faire en sorte qu’un vêtement conçu pour aller à tout le monde sans aller vraiment à personne (littéralement le prêt-à-porter), devienne votre vêtement. Parce que, quand on y réfléchit, de la même manière qu’on ne mange pas un plat qu’on n’aime pas dans une vaisselle sale, on ne peut pas se sentir apprêté avec une garde-robe négligée. La meilleure manière de se réapproprier son dressing, c’est de le faire ajuster. La plupart du temps la métamorphose est incroyable et à peu de frais vous avez un vêtement nouveau, unique et qui vous ressemble, qui vous comblera plus que n’importe quel raid sur Asos.com.
- Si vous adorez un vêtement très abîmé ou ancien, vous pouvez très facilement trouver des coupons – c’est à dire des chutes de beaux tissus bradés – ou du tissu au mètre et faire reproduire cette pièce par votre retoucheur-tailleur (qui deviendra bien vite votre meilleur ami). C’est le next level de l’exercice, on a toute confiance en vous. Les techniques de visible mending vous permettront notament de transformer un trou en une véritable oeuvre d’art.
- Si vous masterisez l’art de la retouche (…ou l’agilité sur l’appli) : à l’occasion d’une balade aux puces, sur des brocantes ou tout simplement dans les fonds de tiroirs de coutures de vos parents/vos grand-parents, vous pouvez collecter des galons de dentelles, des patchs, des empiècements, des perles… etc à apposer sur un vêtement pour lui redonner vie et un style un peu plus personnel.
Exploiter le dressing des autres !
On parle des cercles de personnes autour de vous, notamment vos parents et vos grand-parents.
C’est la magie de l’upycling : avec des chutes de rideau, on peut faire un coussin, transformer une chemise boyfriend en robe d’été, faire un bonnet ou une écharpe avec un vieux pull bouloché, ou encore un short pour enfant avec une veste. Vous pouvez aussi redonner vie à une robe de mariée. On vous invite à suivre le compte de Clara Victorya, une jeune Youtubeuse anti-fast fashion qui a un don pour la couture, mais n’a surtout pas peur de ressortir les jupes de sa grand-mère pour y découper un crop-top ou transformer un vieux jean en sac à main. Le résultat est incroyable entre ses trouvailles vintage à 2€ et ses créations.
Cele présente un autre avantage inestimable : passer un moment génial et peu habituel avec vos proches. Vous allez voir, les vêtements délient les langues et ont des tas d’histoires à raconter.
Chiner
Vous retrouverez nos adresses sur la carte MAP et aussi nos conseils pour chiner débutant, réfléchi, converti ou encore luxe, des pièces récentes ou vintage, cheap ou chère et pour les porter sans avoir l’air rétro. On vous apprend à dater, identifier les matières de qualité et lire les étiquettes pour mieux vous en sortir au milieu des bacs remplis de fringues à l’odeur de naphtaline. Parenthèse à ce sujet, pour les frileux de la fripe, ce genre de boutique capharnaüm existe de moins en moins et laisse place aux belles enseignes de seconde main, hyper organisées par époque, saisons ou couleurs. Les vendeurs généralement passionnés sont là pour vous filer un coup de main.
Investir
Enfin, concernant les achats, notre dernier conseil pour s’habiller éthique à peu de frais… C’est d’investir. La fast fashion, c’est comme la mal bouffe : on en voit partout, on n’en a pas vraiment envie, on la consomme vite et on n’en est jamais satisfait. La frustration générée est 10 fois supérieure au plaisir, c’est mauvais pour la santé et pour l’environnement.
Plus vous investissez, quelle que soit la valeur : de l’argent, du temps, de l’entretien, plus vous aimez votre vêtement et vous construisez votre identité avec lui, moins vous aurez la sensation de n’avoir « Rien à vous mettre » et l’envie de vous ruez sur Asos ou chez H&M.
Il est donc capital de réfléchir avant d’acheter : repérer une pièce, la désirer, voir si c’est un crush ou si on s’en rappelle quelques semaines plus tard, c’est un bon signe pour savoir si elle est indispensable.
Anecdote perso (Victoire speaking) “J’ai lorgné pendant 3 mois un 2.55 Chanel vintage numéroté dans une boutique de seconde-main de luxe. Je me suis dit que l’attente nécessaire pour économiser serait un test : si il était encore là après 3 mois, c’est qu’il était fait pour moi et que je le désirais vraiment. J’y ai passé l’équivalent de mon premier salaire d’interne, ça fait 8 ans, je le porte tout le temps et je n’ai que très peu de sacs à mains.
Si vous aimez vraiment changer de look, constituez-vous une solide capsule de basiques à agrémenter d’accessoires et en louant des pièces de créateurs fortes, par exemple Les Apprêtés, dont les premiers abonnements démarrent respectivement à 59 et 53 euros par mois, ce qui n’est pas loin de représenter un panier moyen dans une enseigne de fast-fashion.
Stimuler sa créativité
Vous remarquerez que cet article ne comporte pas de sélection shopping, parce qu’une garde robe responsable est celle qui s’optimise avant d’acheter. Pour ce faire, il faut exercer sa créativité. La créativité fonctionne comme un muscle : elle a besoin d’être nourrie et entretenue, avec une certaine hygiène. Elle est malheureusement peu stimulée quand on est floodé par des contenus semblables sur les réseaux sociaux. Même sur Pinterest, la plupart des personnes qui nous demandent des conseils en style ressentent la même chose : “J’y vais en cherchant ce qui me ressemble, je ressors avec ce qui ressemble à tous/tes”. Nous l’avons évoqué avec la robe de mariée, c’est vrai pour n’importe quelle tenue.
Pour lutter contre ça, voici 2 exercices pratiques rapides et assez ludiques à mettre en place dans votre routine. Il faudra vous munir d’un petit carnet et idéalement quand vous les appliquez, vous couper temporairement des réseaux sociaux. Challenge accepted ?
Exercice 1 : le mix and match
À partir d’un vêtement, notamment vintage pas simple à assortir, relevez le défi de composer 5 tenues pour 5 occasions très différentes, dans lesquelles vous êtes obligés de l’intégrer.
Par exemple :
– une cérémonie officielle (mariage etc)
– un premier date
– un samedi aprem cocooning
– un déjeuner de travail
– un dîner entre potes
On a souvent tendance à assortir nos vêtements de la même manière et avec les mêmes couleurs, pas parce qu’on n’ose pas faire différemment mais parce qu’on en n’a pas l’idée. L’habitude casse la créativité. Cet exercice va vous demander un effort pour sortir de votre zone de confort habituelle, mais par la suite il permet d’exercer votre cerveau à réfléchir inconsciemment comme ça.
Au fur et à mesure, vous réaliserez que finalement, ce pantalon orange plutôt sportswear irait bien avec une veste de tailleur et une pochette, ou au contraire que cette slip dress que vous aimez tant et que vous ne mettez pas parce qu’elle est trop habillée serait parfaite avec des sneakers et un T-shirtT-shirt en dessous.
Exercice 2 : le café matteur
Prenez une heure pour vous, une fois n’est pas coutume, attablé(e) à la terrasse d’un café, téléphone rangé et carnet en main. Regardez attentivement les passants qui attirent votre oeil. Qu’est ce qui vous séduit ? Une posture ? Un accessoire? La façon de nouer cette écharpe ? Le détail du motif des chaussettes ? Une veste 80’s ? Notez tout ce que vous relevez d’intéressant pour vous l’approprier ou pour piocher des idées, les jours de disette inspirationnelle.
Références
(1) L’expansion / Nov 2013, dossier “Le grand gaspillage”
(2) Le revers de mon Look – ADEME par Universal Love
(3) Marie Kondo
(4) TILLI Couture