photo-mathieu-crepel-surf-ocean

Mathieu Crépel, athlète ambassadeur de la transition écologique

Du flocon à la vague

Dans un contexte où les valeurs du sport et de l’aventure sont aussi inspirantes que contradictoires, la place de l’influence bénéfique à la transition écologique est capitale et controversée. Ici, on donne la parole à celles et ceux qui vivent et s’engagent en faveur de solutions respectueuses de l’environnement au sens “grand” large du terme. C’est le cas de Mathieu Crépel, snowboarder, free surfeur et vieux compagnon de vagues de Damien Castera que l’on avait rencontré pour son film Wave of change le surf trip low tech. Lors de notre rencontre, il nous parle de sa vision du monde sportif, de son rôle auprès de la marque Oxbow et des projets qui ont fait descendre cet enfant des montagnes vers les rives de l’océan. 

Mathieu Crépel, champion rider toutes catégories

Mathieu Crépel est un champion du monde. Au sens propre, dans sa discipline le snowboard, au sens figuré, car porteur de valeurs inhérentes au sport et au respect de la planète.

Champion: Personne qui excelle dans un sport ; sportif de haut niveau et/ou personne qui soutient, incarne parfaitement une conviction, une cause, une attitude.

Défintion du Larousse

Qui es tu Mathieu Crepel le Waterman?

Je suis né dans les montages, élevé par l’océan [1]. Grâce au mode de vie de ma famille, nous passions l’hiver à la montagne et l’été sur la côte Basque. Enfant, je découvre le snowboard de façon joyeuse. Je le pratique avec les copains, puis arrivent les compétitions. A l’âge de dix ans, grâce à Quiksilver, je voyage au Groenland avec mes idoles de l’époque. A ce moment-là, je vis une initiation, une prise de conscience. Pour la première fois, je fais face à une culture inconnue et un environnement sauvage avec un autre rapport à l’espace. Surtout, je fais du snowboard avec les sportifs que j’admire.

La compétition n’est pas une fin en soi. Devenir meilleur dans ma discipline et progresser sont ma motivation supplémentaire.

Depuis toujours, je suis un amoureux de la nature et des sports outdoor. J’ai une sensibilité à l’environnement et au cycle de l’eau. Me challenger me plaît, cela me fait évoluer. Aujourd’hui, je me pose des questions sur les sports que j’aime et sur mon terrain de jeu : la montagne et l’océan. Je ne suis pas un expert scientifique, mon expertise est de partager mes observations, ma passion. J’ai envie de faire évoluer les choses dans le bon sens, pour préserver mon lien instinctif à l’eau. L’eau c’est un rapport à la biologie, une connexion inconsciente à ce que nous sommes. 

NDLR : C’est justement pour sensibiliser le grand public sur le cycle de l’eau, qu’en 2009 Mathieu et Bernard Crépel ont fondé l’association Water Family [2], du flocon à la vague, dont l’envergure est aujourd’hui nationale.

Tu es ambassadeur et cofondateur avec ton père de Water Family, pourquoi l’avoir créé ?

Je ne sais pas si on peut dire que j’ai co-fondé l’asso, mais j’ai participé activement aux réflexions et au développement. Cela s’est fait de façon très spontanée au vu de notre mode de vie, des constats de dégradation et de manque d’informations sur l’eau et le vivant en général. Cela a commencé avec un événement sportif « L’Odyssée du flocon à la vague »[3]. Nous avons rassemblé des sportifs de haut niveau pour un périple du Pic du Midi jusqu’à Biarritz. De Bixente Lizarazu à Tony Estanguet, les athlètes promeuvent aux côtés des scientifiques, le bien fondé de préserver notre environnement. Cela dure depuis 13 ans.

Une partie de la pollution de l’eau est invisible. Ce qui contamine les océans commence à terre. Nous souhaitions inviter en amont et aval, les populations locales à une évolution de conscience. L’action avec les enfants est aussi primordiale pour faire changer les habitudes. Notre cœur d’action est l’éducation positive, collaborations avec les écoles, formation autour de la préservation, de l’organisation d’évènements sportifs responsables.

Nous venons de faire une proposition au gouvernement pour enseigner l’écologie comme matière première à l’école. 

Soutenir la campagne Water Family

 

Nous coopérons aussi avec des entreprises comme Petit Bateau ou Oxbow. Enfin, nous avons lancé le fond de dotation Agir à la source. Il soutient et finance des projets éducatifs, sportifs et d’entreprenariats, dont le but sert les enjeux climatiques actuels, en particulier autour de l’eau.

 

Proposer un projet à Agir à la source

Ambassadeur glisse durable chez Oxbow 

En tant qu’ancien sportif professionnel & fou de glisse, Mathieu Crépel est ambassadeur de la marque Oxbow. Elle est rachetée en 2020 par deux entrepreneurs français avec des valeurs plus ancrées vers la durabilité. Il nous parle de son action auprès des équipes qui développent les collections.

Pourquoi travailler avec une marque comme Oxbow ?

J’ai passé 27 ans avec mon précédent sponsor, le quitter a été une décision très difficile à prendre. Avec Oxbow, nous construisons un partenariat à long terme. L’Eco Responsabilité est au centre de leur nouvelle stratégie. Particulièrement, autour de la gamme 1985 développée et fabriquée avec des fournisseurs européens et majoritairement français. L’exception, c’est les combinaisons de surf dont la technique de fabrication n’est pas présente en Europe. J’ai envie de les accompagner à concevoir des produits de qualité, éco conçus et qui durent dans le temps.

Dès que possible, je participe au développement et au test des produits d’outdoor et de surf. La marque s’est montrée prête à s’engager en passant un message et en modifiant son rapport à la profitabilité. Car fabriquer en Europe coûte plus cher. Pour le moment, la gamme 1985 n’est pas rentable. Elle est soutenue par les autres marques du groupe Oxbow. Aussi, il y a une réflexion interne pour la responsabilité de la fin de vie des produits. Le premier magasin proposant seulement des produits de seconde main vient d’ouvrir à Bordeaux.

Quelle est ta vision d’un produit éco-conçu ? Qu’est-ce que tu privilégies ?

La simplicité qui dure dans le temps ! Des produits adéquats à ma pratique, chauds, respirables, souples et éco-responsables. Des produits multifonctions pour s’adapter à mes pratiques, snowboard, vélo, rando, parapente, surf, escalade… Chez Oxbow, il a des archives avec des produits dont la qualité n’a presque pas bougé, je veux retrouver cet usage à long terme.  

On utilise des matières les plus vertueuses possible, le néoprène reste un vrai sujet. Je viens de tester les premières combinaisons en Yulex™ qui améliore l’écoresponsabilité. Pour l’hiver, on continue à revoir les choses pour la saison à venir. Les ambassadeurs sont les premiers testeurs, on est le plus impliqué possible. 

La durabilité, c’est un produit de qualité et versatile.

Oxbow vient de réaliser en Polynésie le film documentaire Hono [4], pour apporter une vision plus holistique des éléments. Quel est le message principal du film ?

Il y a plusieurs messages. Le principal serait de ramener les usagers à une humilité bienveillante dans le rapport à l’océan. Sans chercher à surfer la plus grosse vague, on profite des conditions peu importe l’outil (Surf, Foil, Paddle, Va’a pirogue polynésienne…) Les polynésien·ne·s sont les garant·e·s de ces pratiques en totale adéquation avec le respect de la nature. Ils·elles nous ont permis de la réintégrer en tant que watermen. Dans l’échange, on comprend vite que ce n’est pas un concept mais un mode de vie. Ce sont des ilien.ne.s dont l’océan est l’ADN.

 

Hono veut dire “lien” dans la langue polynésienne, quel est aujourd’hui ton lien entre équipement & océan ?

Il y a beaucoup de contrastes entre les deux. Je pratique des sports d’outdoor où on a besoin d’outils. L’équipement a un impact direct de la production à l’usage. Pour cette raison, mes planches sont fabriquées avec un matériau plus écologique recyclé et 100% recyclable. Par exemple, si je casse ma planche, le pain de mousse peut être réutilisé pour en refaire une. Lorsqu’on les shape, les chutes sont récupérées pour fabriquer d’autres planches. Pareil pour les snowboards, mon sponsor travaille notamment sur le sourcing des matières premières pour réduire l’impact de leur fabrication.

Le deuxième contraste concerne le marketing, les ambassadeurs sont un médium pour vendre des produits. Le but des marques est de vendre le plus possible pour être rentable. Oxbow est une marque à taille humaine dont l’indépendance des finances donne l’opportunité de mettre en place des choses intéressantes et locales

L’influence par l’exemple

Tu as participé à plusieurs projets de documentaires dont Aurora et Odisea du flocon à la vague avec Damien Castera, que t’apporte ce type d’expérience ?

De façon primaire, une visibilité. C’est une plateforme pour faire passer ma vision, mes valeurs, ma façon de faire les choses et de raconter des histoires. Ma sensibilité à l’environnement me ramène à son esthétique naturelle. Pour respecter quelque chose il faut apprendre à l’aimer. Au travers l’image et le discours on peut mettre en valeur la nature.

Le documentaire allie le fond et la forme. On peut y transmettre un message et faire comprendre une évolution, une fragilité, pour montrer la voie vers l’amélioration. Le sport outdoor devient un vecteur pour parler d’autre chose. C’est une façon de sortir de notre microcosme et de diffuser une pensée de façon plus large. Avec un impact plus fort !

Lire notre interview de Damien Castera

En donnant la parole à d’autres, je suis le lien entre les personnages, leur expertise et leur écosystème. 

Dans un monde entre la microaventure et l’exploration, qu’es tu allé chercher dans la traversée Jacques Vabre ?

Cette traversée n’était pas prévue. C’est parti d’une rencontre humaine avec Roland Jourdain et Stan Thuret pour leur parler d’un autre projet. Je ne cherchais pas à traverser l’Atlantique. La rencontre avec Stan a fait écho à ma boulimie de découverte de nouvelles pratiques. Le bateau était le moyen d’aventure. Il m’a intégré à son équipage et m’a formé comme skipper pour apprendre de façon intense avant la course. J’étais au cœur d’un milieu qui me fascine. Je me suis rendu compte de l’inspiration réciproque possible. Pour l’enfant de la balle que je suis, c’était un beau partage. Je n’y cherchais rien et j’y ai trouvé un nouveau rapport au temps. J’y ai aussi vécu un dilemme entre la course technologique et la course à l’innovation qui veut intégrer des biomatériaux dans les bateaux. Mais grâce à ces technologies et ces élites, on touche le grand public pour amener de l’efficacité à la cause. 

Sur un bateau, le temps n’a de valeur qu’au moment présent. Il est super flexible. La navigation m’a apporté un apprentissage à l’ennui, que j’arrive moins à gérer à terre.

Autre dilemme, les Jeux olympiques de Pékin ont provoqué un vrai questionnement. Alors que tu as commenté les épreuves de snowboard et participé plusieurs fois aux JO, comment te positionnes-tu sur les limites d’un tel évènement ?

J’ai ressenti un fort tiraillement. J’ai failli ne pas y aller en demandant à France Télévision de commenter de Paris. En revanche, la neige artificielle pour la Chine était une fausse question. C’est déjà arrivé pendant les JO de ne pas avoir de neige. Les conditions étaient les mêmes qu’en Corée. A Vancouver, de la neige des glaciers avait été ramenée en hélico. Bien sûr, il faut améliorer les choses. Le point le plus noir était le respect des droits de l’homme car c’est un sujet compliqué. Ce n’est pas facile de mettre ça de côté, pour ne parler que de sport ce sont des sujets profonds et d’actualité. Aussi, j’ai une responsabilité par rapport à mon sport et pour le démocratiser, j’ai envie qu’on en parle bien.

C’est difficile d’imposer une règle quand toi tu as déjà réalisé tes rêves de pro.

Pour me décider je me suis demandé : Est-ce que le sport de haut niveau et les JO peuvent être un événement sportif en adéquation avec les valeurs de l’Écologie ? Je pense que oui mais il doit y avoir un gros changement de vision du sport de haut niveau. On peut adapter la performance, faire face à l’adversité, être moins dans la compétition absolue et la recherche de record. France TV a un public très large, parler de snowboard à la télé, c’était l’opportunité de m’adresser à des gens qui ne connaissent pas ce sport et ne s’intéressent pas à l’environnement. De les engager vers le snow et l’écologie. C’est une audience rare pour ces messages.

Selon toi, à quoi ressemblerait les compétitions Low Impact ?

Je n’ai pas la réponse, c’est pour ça que je continue à m’interroger de façon locale, avec des experts pour rendre la microaventure plus accessible et désirable. Pour aller chercher un challenge dans un nouveau modèle. Avec les compétitions et la pratique à haut niveau, on a prôné des idéaux de voyage, qu’est-ce qu’on fait de ça maintenant ? Je pose la question car en France on a des sites incroyables. Pour les épreuves sportives, il faut revoir les calendriers, concentrer les courses et dans un périmètre restreint pour minimiser l’impact. Certains athlètes commencent à ne plus vouloir participer à des compétitions s’ils doivent prendre l’avion.

Comment s’y mettre par étapes en tant que citoyen·ne·s sportif·ve·s ?

Confronter la nature pour s’inspirer et inspirer les autres à se connecter d’une autre manière à elle. Pour réfléchir différemment, l’enjeu doit être replacé. Il n’est pas de sauver la planète ou l’humanité. On doit voir plus loin que ça et se demander ce qu’on fait du vivant après nous. En faisant en sorte de rendre les conditions plus vivables et équitables. Nous avons besoin de rétablir une sorte d’équilibre. C’est fait d’enjeux globaux et politiques certes. Il n’y a pas UNE solution pour répondre à UN problème. L’enjeu c’est d’accepter la somme des challenges à relever.

A quoi rêves-tu ? Quels sont les nouveaux projets à venir ?

Je souhaite insuffler un message de responsabilité et de respect en passant par les sports outdoor. Je travaille sur un projet de documentaire Water Quest, pour lequel je viens de remporter un prix qui m’aidera à le démarrer. C’est une série d’expéditions et d’entretiens avec des spécialistes, des scientifiques. Il vise à raconter la mémoire et les histoires du cycle de l’eau. Le point de départ sera les Pyrénées, ensuite le Groenland, je souhaite y retrouver les enfants avec qui je jouais quand j’avais 10 ans. Récolter leurs témoignages sur le réchauffement climatique, qui les touche de plein fouet. M’imprégner de leur vision dans un monde où l’on croit avoir tout en main, nous occidentaux. Puis suivre le Gulf Stream et redescendre jusqu’au Açores. C’est un projet de vie sur plusieurs années.

Je ne prétends pas pouvoir changer le monde mais essayer d’avoir une influence positive dans mon cercle proche et plus éloigné, comme un colibri.

Notre conclusion

Comme l’écrit si bien Nelly Pons, dans Océan Plastique, enquête sur une pollution globale [5]: “Il n’y a pas d’océan de remplacement… Cet Océan-mère ne nous est pas acquis, nous le savons et pourtant nous n’en avons pas conscience.” 

Sous un temps variable basque, Mathieu Crépel prouve que la beauté et la vérité de la nature passent par l’authenticité et vont plus loin que l’enjeu rationnel. Car pour de nombreux·ses snowboarder·e·s ou surfeurs·e·s la promesse de l’aube c’est de la belle neige à la bonne saison, une eau saine et une nature dont le souvenir de l’homme ne sera pas que dévastateur.

Sa conscience s’incarne dès l’enfance, passe par l’expédition et se poursuit par une quête d’apprentissage et de protection de l’élément le plus indispensable à notre survie. De l’eau, dépend nos manières de produire, de nous alimenter, de nous chauffer. Ce qu’il incarne, c’est que lorsqu’on a un choix à faire pour la planète, l’éducation en est le premier pas. Pédagogie, envie, rassemblement et engagements multiples sont les outils de Mathieu Crépel. Ce sont des athlètes comme lui, capables de lier paroles, actions et remises en question des acteurs du sports, que s’élève le niveau de conscience collective. Pour passer de l’ombre à la lumière, des fonds à surface de l’eau.

 

Références citées

[1] Born in the mountains raised by the ocean, est le motto de Mathieu Crépel

[2] Le site de la Water Family

[3] L’odissea du flocon à la vague est aussi une série d’expeditions &  un livre coécrit avec Damien Castera 

[4] Hono immersion en terre des watermen

[5] Nelly Pons, Un océan de plastique

 

Crédit photos: Snowboard ©Oxbow ©Jerome Tanon, surf ©Oxbow ©Greg Rabejac, Association ©waterfamily 

Total
0
Shares
Laisser un commentaire
Précédent
Sélène Provence, un e-shop de mode éthique qui valorise les créatrices
Suivant
La top liste de tee-shirts blancs, graphiques et color blocks éco-responsables
À lire également

Become a Good One ! Abonnez-vous à nos contenus

Le média payant : accès illimité à tous les articles et OnePagers, réductions sur nos CleverBooks

Total
0
Share